Lancelot TURPIN de CRISSE

Rome: vue du Temple du Soleil et de la Lune (Temple de Vénus et de Rome)


Lancelot-Théodore TURPIN de CRISSE (1782, Paris – 1859, Paris)
Rome: vue du Temple du Soleil et de la Lune (Temple de Vénus et de Rome) et du Forum
Mine de plomb
23 x 31 cm
Situé en bas à gauche
Circa 1808


Issu d’une très ancienne (XIIème siècle) famille de la noblesse de l’Anjou, Turpin de Crissé appartient à une génération intermédiaire parmi les paysagistes dits « néo-classiques » de la période 1780-1840: on peut ainsi le situer entre les « historiques » Valenciennes/Dunouy/Bertin/Bidauld et les « naturalistes » Michallon/Corot/Rémond/Bodinier. Très à l’aise dans les effets de lumière, ses peintures présentent par ailleurs des similitudes avec Joseph Vernet, Taunay ou encore les écoles scandinaves (surtout danoise).
Sans avoir reçu de réelle formation académique connue, Turpin de Crissé fut le protégé du comte de Choiseul-Gouffier (1752-1817), ancien ambassadeur de France à Constantinople et auteur du célèbre « Voyage pittoresque de la Grèce », qui lui fit découvrir la Suisse et l’Italie dans les premières années du XIXème siècle. A son retour en France en 1809, il devient le Chambellan et probablement l’amant de Joséphine.
Exposant régulier au Salon de 1806 (où il reçoit une médaille d’or) à 1835, il accumula sous la Restauration récompenses et postes officiels: membre de l’Académie Royale des Beaux-Arts en 1816, Inspecteur général des Beaux-Arts en 1825… Sa proximité avec les Bourbons le fit démissionner de toutes ces fonctions en 1830.

Le style de notre oeuvre est bien représentatif du dessinateur très précis qu’était Turpin. Elle appartient aux séries de croquis réalisés sur site à l’occasion de ses différents séjours à Rome (1807/1808, 1818, 1824, 1829); Madame Caroline Chaine, spécialiste de l’artiste, penche pour une datation du premier séjour romain, vers 1808, alors que Turpin de Crisse loge dans l’ancien couvent de la Trinité des Monts.
Le temple du Soleil et de la Lune est le nom qui fut parfois donné au temple de Vénus et de Rome, construit sous le règne de l’Empereur Hadrien et qui fut le plus important et plus beau de Rome.
La vue, qui est prise depuis le Colisée, montre sur la partie gauche les ruines du temple reconstruit (suite à un incendie) par l’Empereur Maxence au IVème siècle après JC. Derrière la niche où était installée une monumentale statue de Vénus se trouve la basilique Santa Francesca Romana, dont on aperçoit le campanile érigé au XIIème siècle à l’initiative du pape Honoré II. Sur la droite on aperçoit de profil les ruines de la basilique de Maxence et Constantin, tandis qu’au fond au centre s’élève, derrière le Forum et sur le Capitole, la silhouette du Palazzo Senatorio (aujourd’hui occupé par la mairie de Rome) et son campanile, construits dans la deuxième moitié du XVIème siècle.

Le Louvre conserve (N° d’inventaire MI 639), au sein du fonds Turpin de Crissé constitué par legs juste après sa mort, une autre vue du temple du Soleil et de la Lune, au cadrage plus resserré et concentré sur les ruines de la partie gauche de notre dessin. L’oeuvre (24,4 x 38,8 cm), également une mine de plomb, mais sur papier brun et rehaussée de blanc, présente un caractère moins topographique que la nôtre.
Plusieurs autres artistes étudiant ou vivant à Rome représentèrent évidemment le site: on peut citer un dessin de l’architecte élève de Percier et Fontaine, Auguste Constantin (1791-1842), un lavis sur mine de plomb, exécuté en 1808, et aujourd’hui conservé au musée de La Roche sur Yon.