Johann-Heinrich TROLL (1756, Winterthur – 1824, Winterthur)
Personnages admirant les chutes du Rhin à Schaffhausen
Lavis d’encre brune sur traits de plume
23 x 32 cm
Vers 1790
Oeuvre en rapport: gravure en couleurs par Descourtis parue dans les « Vues remarquables des montagnes de la Suisse »
Cette oeuvre d’une grande finesse et d’une grande finition constitue le dessin préparatoire à l’une des estampes composant le recueil des « Vues remarquables des montagnes de la Suisse », peint par l’allemand Friedrich Rosenberg (1758-1833), et gravé par le parisien Melchior Descourtis (1753-1820).
Il existe plusieurs éditions de cette série, indistinctement datées entre 1776 et 1794; traditionnellement (notamment dans les musées, comme le British Museum ou la National Gallery de Washington, qui en possèdent des exemplaires), notre gravure est datée de 1784/85, et elle est sensée être la 25ème planche (sur 42) du recueil paru en 1785 à Amsterdam; mais ceci semble contradictoire avec la dédicace (sous l’image) à Leopold II Empereur d’Autriche, celui-ci n’étant Empereur qu’entre 1790 et 1792. Cette dédicace pouvant par ailleurs laisser penser que, des deux personnages qui admirent le spectacle de la cataracte, celui de droite est l’Empereur Leopold II; mais les archives de la ville nous ont indiqué qu’il n’existe pas de traces du passage de l’Empereur à Schaffhausen, qui pourrait expliquer la dédicace. Le seul rapport que nous avons trouvé est l’anoblissement (à sa demande) en 1791 du célèbre historien de Schaffhausen, Jean de Müller, par Leopold II; mais à cette époque, Müller se trouve à Mayence.
L’interprétation de la composition et de la gravure reste donc difficile à établir.
On distingue sur la rive droite du Rhin (à gauche sur le dessin) les maisons de la ville de Neuhausen; sur le promontoire de droite se trouve le château de Laufen, avec à son pied la petite passerelle en bois permettant aux visiteurs de s’approcher des remous bouillonnants.
La ville de Schaffhausen (Schaffhouse en français) se situe en amont des chutes, et ce sont probablement des bâtiments de la ville qui sont représentés à l’arrière-plan à gauche.
Au premier plan à gauche, la Maison Wörth, qui abritait à l’époque la douane pour la batellerie (et aujourd’hui un restaurant); l’artiste a représenté un personnage transportant des barriques sur son embarcation, afin d’introduire du pittoresque dans la scène et d’illustrer l’activité économique du lieu.
Quelques différences existent entre le dessin et la gravure, comme les vêtements et les coiffures des deux figures observant les chutes, la forme des arbustes devant la Maison Wörth, et surtout l’attitude du batelier dans sa barque.
Troll mena une intéressante carrière de dessinateur et de graveur. Après une première formation auprès du graveur bâlois Christian Von Mechel, il devint l’élève pendant sept ans de son compatriote Adrian Zingg (1734-1816) à Dresde. Il voyagea en Italie et passa ensuite quelques années à Paris où il rencontra notamment Jean-Georges Wille. Fuyant la Révolution, il se réfugia en Hollande avant de retourner en Suisse en 1793. Il revint s’installer durablement à Paris en 1798, et y réalisa notamment une série de fines vues des jardins des Tuileries.
Troll, qui s’était entre autres fait une spécialité des dessins de grand format, participa avec plusieurs dessins aux « Vues remarquables des montagnes de la Suisse », avec d’autres artistes comme Caspar Wolf, Füssli ou Störcklin. On connaît de lui une autre vue des chutes du Rhin, gravée en 1809.
Dans la précision et la finesse du trait, le souci du pittoresque et l’exactitude topographique, Troll est ici très proche de son maître Zingg.