Jean-Claude RUMEAU

Le perroquet Vert-Vert au couvent des Visitandines de Nantes


Jean-Claude RUMEAU (actif vers 1800-1831)
Le perroquet Vert-Vert au couvent des Visitandines de Nantes
Aquarelle gouachée
12,5 x 15 cm
Signée en bas à droite
Probablement vers 1821
Exposition : Monastère Royal de Brou « L’invention du passé – Gothique mon amour… »   19 avril – 21 septembre 2014    N°32 du catalogue


Jean-Claude Rumeau, élève de David et d’Isabey à la technique minutieuse et détaillée, a aussi été peintre sur porcelaine, actif à la Manufacture de Sèvres entre 1807 et 1824. Participant actif au Salon entre 1806 et 1822 (année où il n’expose pas moins de 7 aquarelles), ses oeuvres sont relativement rares aujourd’hui; stylistiquement certaines s’apparentent un peu à celles de Charles-Caïus Renoux (notamment au niveau des architectures médiévales) mais en beaucoup plus abouties et léchées; d’autres peuvent rappeler les ambiances antiques de certaines scènes d’intérieur de Joseph-François Ducq. Elles traitent de sujets historiques comme le chevalier Bayard, Charlemagne, Marguerite d’Ecosse et Alain Chartier (1817), ou de légendes médiévales comme La Belle au Bois dormant, Barbe-Bleue, Lancelot et Guenièvre, Merlin l’Enchanteur.
Il était domicilié au 43, rue des Marais, dans le faubourg saint-Martin de Paris.

Notre aquarelle, typique de la manière de Rumeau, est un très fin travail, aussi bien dans la précision du trait que de la subtilité des coloris.
Elle s’inspire du « spirituel et malicieux » poème « Vert-Vert » publié en 1734 par l’amiénois Jean-Baptiste Gresset (1709-1777), qui connut un grand succès, depuis sa parution jusqu’au milieu de XIXème siècle. Ce poème raconte l’odyssée d’un talentueux perroquet élevé dans la dévotion par les Visitandines de Nevers ; admiré pour son vocabulaire pieux et recherché, il est ainsi envoyé, sur leur insistante demande, aux Visitandines de Nantes par la Loire. Au cours du voyage, il s’imprègne du langage grossier des bateliers et de certains passagers (moine paillard, filles de joie), qu’il s’empresse dès son arrivée d’utiliser devant les sœurs de Nantes ; celles-ci, horrifiées par la verdeur des propos, le renvoient à Nevers, où les sœurs, après l’avoir jugé, le mettent en pénitence au cachot, le condamnant au jeûne, à la solitude et au silence. Enfin revenu à de meilleures manières, le volatile pécheur est alors pardonné, puis si généreusement récompensé qu’il meurt d’une indigestion de dragées, « bourré de sucre et brûlé de liqueur ».
Cette histoire fut très populaire auprès des artistes du début du XIXème siècle, qui en représentèrent les différents épisodes : Fleury Richard (au Salon de 1804), Granet à plusieurs reprises, ou encore Claudius Jacquand (tableau conservé au Musée de Brou) ; l’intérêt se poursuivit à la fin du mouvement troubadour, avec une version par le jeune Jean-François Millet (1839), allant même jusqu’à la fin du second Empire avec Louis-Antoine Pellegrin (Salon de 1869).

Notre œuvre représente le moment où le perroquet vient d’arriver au couvent des Visitandines de Nantes; les religieuses fondent d’attendrissement devant la découverte de l’animal dont les pieuses vertus leur ont été vantées par leurs consoeurs de Nevers. Sur la droite une des soeurs sonne la cloche, probablement afin d’appeler toute la population du couvent à venir voir cette nouvelle attraction (à moins que, comme pourrait peut-être laisser supposer l’air un peu inquiet de son visage, le perroquet soit déjà en train de proférer ses premiers jurons, et qu’elle ne fasse que sonner « l’alarme » pour faire taire le pécheur!). En tout cas l’atmosphère est fébrile et une autre soeur, appuyée sur un muret, bat elle aussi le rappel. Au fond du couloir, on aperçoit une soeur âgée (peut-être « le singe voilé, squelette octogénaire » que décrit Gresset dans son poème ?), appuyée sur une canne et se reposant sur le bras d’une soeur plus jeune, faisant des efforts pour elle aussi rencontrer le perroquet.
Toute cette agitation contrastant avec l’attitude calme et détachée du jardinier, probablement amusé par cette animation peu fréquente au couvent.
L’ambiance, tout en étant monacale, est ainsi plus légère, voire teintée d’humour, et plus anecdotique que dans d’autres représentations de l’époque, notamment celle de Granet (cf photo N°31 du catalogue de l’exposition de Brou), datée 1818, dont Rumeau s’est pourtant possiblement inspiré pour l’organisation de sa composition (mêmes types de point de vue, d’éclairage latéral, et d’animation de la scène).
On connaît une autre représentation de Vert-Vert par Rumeau, une aquarelle datée 1821, 11×14 cm (vente Sotheby’s, Monaco, 20-21 février 1988), et qui pourrait faire partie d’une série de plusieurs oeuvres consacrée à ce thème.

Des œuvres de Jean-Claude Rumeau ont notamment figuré dans les collections de Talleyrand, et plus récemment de Guy Ledoux-Lebard. Les musées de Montpellier et de Los Angeles possèdent aussi des œuvres.