Jean-Charles REMOND

Tombeaux antiques sur la via Appia antica, entre Rome et Albano


Jean-Charles Joseph REMOND (1795, Paris – 1875, Paris)
Tombeaux antiques sur la via Appia antica, entre Rome et Albano
Huile sur papier marouflée sur toile
17 x 27 cm
Signée en bas à gauche
Circa 1823
Provenance: ancienne collection Marie-Madeleine Aubrun
Bibliographie: Suzanne Gutwirth, Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art Français 1981, N°20 du catalogue, reproduit (titré Ruines ou tombeaux dans la campagne romaine)


Fils d’un imprimeur, Remond devient très tôt l’élève de Regnault, mais c’est Jean-Victor Bertin (son maître aux Beaux-Arts de Paris dès 1814), qui le dirige tout droit vers le Grand Prix de Rome du paysage historique en 1821 avec Proserpine et Pluton. Cet excellent dessinateur a alors une touche précise et léchée qui convient aux règles du genre. Mais dès son arrivée à Rome, il découvre la nature et la peinture de plein air; au cours de ce premier séjour italien, qui dure cinq années, il peint de nombreuses études de petit format, avec une touche devenue parfois plus large et crémeuse, et une grande qualité de luminosité. Ses sujets sont aussi bien les sites intra-muros de la ville éternelle que la campagne et les zones plus montagneuses; il descend également jusqu’à Naples et Paestum. De retour à Paris, Remond se découvre des velléités pédagogiques, et en même temps qu’il ouvre un atelier en 1827 (où il formera notamment Théodore Rousseau), il publie deux traités théoriques, « Principes de paysages » et « Cours complet de paysages », tout comme l’avaient fait avant lui Pierre-Henri de Valenciennes ou encore Alphonse Mandevare. En 1842, Remond retourne plusieurs mois en Italie, s’attardant particulièrement en Sicile.

Notre oeuvre, simplement située à l’époque par Suzanne Gutwirth dans la campagne romaine, représente en fait des ruines de sépulcres romains, situés au sud-est de Rome, environ à mi-chemin d’Albano, en bordure de la Via Appia antica. Ces deux monuments ont été représentés par plusieurs artistes, comme Carlo Labruzzi (1747-1817) en 1789, ou bien, un peu plus tôt en 1764, par Piranèse pour une planche de son recueil des « Vues de Rome ». Piranèse les décrit comme les sépulcres de Piso Licinianus (à gauche) et de la famille Cornelia (à droite).
Piso Licinianus (38 – 69 ap.JC) noble romain descendant de Crassus et Pompée, fut adopté par l’Empereur Galba qui le désigna comme son héritier officiel le 10 janvier 69, mais les deux hommes furent tous deux assassinés le 15 janvier.
Les Cornelia constituaient l’une des familles patriciennes les plus importantes de l’histoire romaine.
Il semblerait toutefois que Piranèse se soit trompé: le sépulcre de gauche serait en fait celui du général romain Quintus Veranius (mort en 57 ap.JC), ancien questeur sous Tibère, puis gouverneur de Lycie-Pamphylie et consul sous Claude, et enfin gouverneur de Bretagne sous Néron. Quant à Licinianus sa dépouille reposerait en fait dans une tombe de la Via Salaria. Le sépulcre de droite serait une tombe circulaire datant du IVème siècle ap.JC.
Ces tombeaux des importants personnages romains étaient construits de façon isolée près des routes afin de laisser une trace de la personne dans la mémoire des voyageurs/passants. On connaît de Remond une autre représentation d’un tombeau/sépulcre, celui de Néron, une huile sur papier (26×36 cm) conservée au musée des Beaux-Arts de Valence, et datant vraisemblablement de la même époque que le nôtre (même si Suzanne Gutwirth la situait plutôt dans la deuxième partie des années 1820).

La composition, très synthétique mais à l’exécution rigoureuse, s’organise autour d’un partage presque horizontal entre la terre et le ciel. La palette, restreinte, se partage elle aussi en deux, avec les tons ocres (avec des nuances allant du jaune au rouge) du sol et des ruines auxquels s’oppose dans un contraste marqué le bleu céruléen presque uni du ciel sans nuages. Le rendu repose lui aussi sur une opposition entre la matière lisse du ciel et les empâtements de la partie sol/ruines.
Aucun élément pittoresque ne vient perturber la grandeur du lieu, qui pourrait presque faire penser à Monument Valley et ses buttes, dans cette étude qui met en vedette les parties en friche de la Campagna romaine, avec, loin à l’horizon, des chaînes de collines, dans une mise en scène théâtrale de la lumière.

Marie-Madeleine Aubrun (1924-1998) fut une historienne de l’art spécialisée dans les peintres du début du XIXème siècle, dont elle réalisa plusieurs catalogues raisonnés (Caruelle d’Aligny, Benouville, Lehmann, Bastien-Lepage…).