Raymond-Auguste-Quinsac MONVOISIN

Sainte Thérèse


Raymond-Auguste-Quinsac MONVOISIN (1790, Bordeaux – 1870, Boulogne)
Sainte Thérèse
Huile sur toile
81 x 65 cm
Oeuvre en rapport: tableau de mêmes dimensions, signé, conservé au musée Magnin de Dijon


Monvoisin est un peintre intéressant mais assez méconnu en France, contrairement à l’Amérique latine (particulièrement le Chili) où il passa une quinzaine d’années et où il est considéré comme un artiste majeur.

Etonnamment, aucune étude biographique sur Monvoisin ne semble mentionner notre tableau, dont la seule certitude est qu’il fut exécuté avant 1847. Effectivement, au Salon de Paris de cette même année, le peintre sur porcelaine Antoine Kürten en présenta une réplique, N° 1834 du livret, titrée Sainte Thérèse, d’après M. Monvoisin. Ces répliques sur porcelaine concernaient en principe des chefs d’oeuvres de la Renaissance ou du XVIIème siècle, ainsi que des tableaux contemporains qui avaient connu un certain succès.
Le fait que Monvoisin ait lui-même produit au moins une reprise autographe (notre tableau) de ce portrait de Sainte Thérèse d’Avila confirme d’ailleurs l’intérêt que dut connaître sa composition.
Le tableau du musée Magnin de Dijon est probablement la version principale, malheureusement non datée, portant la signature R.Q. MONVOISIN; il fut acquis entre 1922 et 1935, et Jeanne Magnin en donne une description particulièrement juste : « On a quelque peine à se figurer sainte Thérèse d’Avila, cette âme de feu, cette ardeur dévorante, cette floraison mystique de l’Espagne chevaleresque, sous les espèces de la trop jolie nonne, aux joues rondes et fraîches, aux lourdes paupières dévotieusement baissées. La sentimentalité doucereuse de l’inspiration est du même ordre que la qualité du traitement irréprochable, soigné, caressé, blaireauté : tout cela est complètement périmé; mais il y aurait quelque injustice à méconnaître la bonne foi du peintre dans son effort vers la réalisation de l’idéal entrevu » .
On pourrait ajouter que ce portrait, tout en appartenant au registre religieux, d’une femme jeune, avec des traits délicats, et au sourire légèrement perceptible, dévoile une certaine sensualité.
En accord avec la facilité d’exécution que reconnaissait la critique à notre artiste, la douceur du visage, l’environnement suggéré, la recherche d’une certaine beauté idéale, le dessin et le fini soignés de notre tableau, dénotent l’influence d’Ingres.

Formé à Bordeaux par Pierre Lacour pendant plusieurs années, Monvoisin part se perfectionner dans l’atelier de Pierre-Narcisse Guérin aux Beaux-Arts de Paris, qu’il intègre en 1816. C’est un élève laborieux et opiniâtre, voire acharné au travail, qui remportera plusieurs concours internes à l’école et participera presque chaque année au grand Prix de Rome de peinture. Ayant fini par obtenir la seconde place en 1820, et une troisième place en 1821, c’est grâce à la recommandation de Gérard et au soutien de Louis XVIII (dont il avait peint un portrait en 1820) que l’Etat lui accorde une pension pour aller étudier à Rome. Il y rencontre Domenica Festa, et l’y épouse en 1825, juste avant le retour du jeune couple à Paris.
Il connait alors un certain succès et développe sa clientèle, dans laquelle figure par exemple le duc d’Orléans, qui lui achète plusieurs tableaux à thématique mythologique ou italienne. A l’apogée de sa carrière au début des années 1830, Monvoisin se spécialise dans la peinture d’histoire et reçoit des commandes de l’Etat, notamment pour la galerie historique de Versailles, et vers 1840 il se lance dans la production de quelques tableaux de genre, tout en exécutant régulièrement de nombreux portraits.
Pourtant, malgré sa gloire (médaille de 1ère classe au Salon de 1831, Légion d’Honneur…), il connaît des problèmes de santé et de couple, et surtout une brouille depuis 1835 avec de Cailleux, le secrétaire général des musées royaux; tout cela le décide en 1842 à répondre favorablement aux sollicitations (qui remontaient à 1838) d’intellectuels et diplomates chiliens, dont il était proche depuis une quinzaine d’années, qui lui proposent de venir fonder une école de peinture au Chili.
Il va alors passer quatorze années en Amérique du Sud, essentiellement au Chili, à l’exception de deux intermèdes au Pérou en 1845, où il fonde une école de peinture à Lima, et en 1847; il séjourna également 3 mois en Argentine lors de son arrivée sur le continent fin 1842, et plusieurs mois au Brésil, au retour d’un court voyage en France durant l’été 1847, où il sera notamment décoré par l’Empereur Pedro II. Considéré comme un précurseur des Beaux-Arts au Chili, il y forma de nombreux élèves, et y aurait peint plus de 500 tableaux; on trouverait aujourd’hui environ 300 peintures au Chili (dont 70 dans des collections publiques), 65 en Argentine, 18 au Pérou et 8 au Brésil.
Monvoisin regagna la France à la fin de 1857; peintre désormais oublié, il se consacra à des peintures à thèmes sud-américains (paysages, portraits) qu’il exposait au Salon et étaient reproduites en gravure par l’éditeur Goupil.
Les dernières années de sa vie, passées à Boulogne sur Seine, se déroulèrent sous le signe du spiritisme et de l’intérêt pour la médecine homéopathique

Une tentative de datation vers 1840 peut être suggérée pour notre oeuvre, en raison de sa veine ingresque, mais avant le départ pour l’Amérique (les portraits réalisés là-bas semblent être d’un style différent et ne représentent que des personnalités locales), et au moment où le thème de Sainte Thérèse d’Avila inspire notablement les artistes. Claudius Jacquand expose ainsi au Salon de 1839 une Sainte Thérèse en extase (reprise en gravure par Allais au Salon de 1841); Alexandre Caminade une Sainte Thérèse en prière (55 x 36 cm, conservée au musée de Semur en Auxois) au Salon de 1841; entre 1841 et 1847, 11 oeuvres sur ce sujet seront exposées.
Par ailleurs, on ne peut ignorer l’influence de la version de Gérard au Salon de 1827 (elle sera reprise sur porcelaine par Marie-Adelaïde Ducluzeau et en gravure par Leroux au Salon de 1831, et encore sur porcelaine par Jenny Girbaud au Salon de 1848 !), dans un style pourtant plus mystique et néo-classique. Une réplique (huile sur toile, 73 x 60,5 cm, inv. 1938 F 721) de ce dernier tableau, décrite comme de Monvoisin, est conservée au musée Magnin. Il faut remonter au Salon de 1810 et Monsiau pour trouver une Sainte Thérèse en extase, et à celui de 1785 et Taillasson pour relever une Sainte Thérèse éclairée par la lumière divine.