Pierre GOURDAULT

En l’An Mille


Pierre GOURDAULT (1880, Paris – 1915, Givenchy-le-Noble)
En l’An Mille
Huile sur toile
46 x 35 cm
Signée et datée en bas à droite
1907
Oeuvre en rapport: tableau exposé au Salon des Artistes Français de 1907, sous le numéro 728, pour lequel notre œuvre est préparatoire. Le tableau fut acquis par le collectionneur roumain Anastase Simu pour son musée privé à Bucarest
Exposition: Galerie Georges Petit, 8 rue de Sèze, Paris, 11-30 avril 1919, rétrospective Gourdault inaugurée par le Président Poincaré
Provenance : Comte Louis-Napoléon d’Arjuzon (1863-1941), qui l’acquière à l’exposition de la galerie Georges Petit


Notre oeuvre est l’esquisse préparatoire pour le tableau de Pierre Gourdault exposé au Salon de Paris de 1907, et reproduit dans le catalogue illustré du Salon.
Le tableau fut acquis au Salon par le collectionneur roumain Anastasie Simu (1854-1935), qui, depuis 1900, avait rassemblé, entre autres, une grande quantité d’oeuvres d’artistes français du XIXème siècle et contemporains, dans son musée privé. Il avait bâti un édifice en forme de temple grec, inspiré de la Maison Carrée de Nîmes, pour abriter ses collections (qui comprenaient aussi des artistes roumains), et en fit don à l’état roumain en 1927. Le bâtiment fut détruit en 1960 à l’époque communiste, mais les oeuvres ont été conservées dans différentes institutions culturelles de Bucarest. Parmi les artistes représentés, on recensait Delacroix, Drolling, Théodore Rousseau, Daumier, Monticelli, Courbet, Ribot, Bouguereau, Laurens, Eugène Carrière, Sisley, Renoir, Signac, Henri Martin, Jacques-Emile Blanche, etc…
Simu avait acquis plusieurs autres oeuvres de Gourdault (au moins cinq), dont son propre portrait (l’artiste voulait ainsi témoigner sa gratitude à l’un de ses bons clients), exposé au Salon de 1909. En l’An Mille était le plus grand tableau de la collection au moment de l’inauguration du musée en 1910, et était placé dans la troisième salle, où les visiteurs ne pouvaient manquer de l’admirer; voici la description qu’en fait l’historien d’art roumain Olimp Grigore Ioan (1881-1933) en 1913 : « C’est une admirable scène historique, attestant chez son auteur une maîtrise et une puissance peu communes. Croyant que la fin du monde est proche, les loqueteux et les misérables au comble de l’angoisse se précipitent dans une cathédrale, derrière des prélats qui, en riches vêtements sacerdotaux, pénètrent à l’intérieur du sanctuaire » .
Le tableau est aujourd’hui conservé par le musée des Collections d’Art de Bucarest (qui dépend du musée National d’Art), tout comme une grande partie de l’ancienne collection Simu.

Cette composition étonnante, qui par certains aspects rappelle Cormon ou Rochegrosse, est assez représentative de l’art de Gourdault, qui savait imaginer, grouper et remuer des foules entières, et dont toutes les critiques soulignaient une vraie originalité et un souffle nouveau, une grande facilité au service d’un travail acharné.
« La Renaissance de l’art français et des industries de luxe » de janvier 1919 utilisait les termes suivants: « Vision originale, talent fait d’une observation pénétrante et légère, indulgente et ironique à la fois… Toiles débordantes de vie et étincelantes d’esprit » . Encore en 1935, à l’occasion d’une exposition rétrospective au musée des Arts Décoratifs, sur les oeuvres inspirées par l’Afrique française, « Mobilier et Décoration » évoquait « un peintre de haute valeur, dont les oeuvres sont pleines de force, d’éclat et de sensibilité » .
Déjà en 1911, « Le Gil Blas » remarquait au Salon la grande toile de Gourdault, Pendant la messe, « sentie et exécutée » , dans laquelle « … l’artiste s’est libéré des influences de Courbet: il n’a gardé que l’accent puissant du maître » .

Elève à l’Académie Julian des peintres Marcel Baschet et François Schommer, Gourdault participa pour la première fois au Salon en 1902, et fut reçu deux fois troisième au grand prix de Rome de peinture en 1900 et 1904. Cette même année, il obtint de l’Etat une bourse de voyage, qui lui permit notamment de découvrir l’Espagne et la Tunisie. Il remporte des médailles au Salon, et l’Etat lui achète en 1910 Un enterrement dans les Deux-Sèvres pour le musée de Perpignan, aujourd’hui conservé à Orsay. On peut aussi citer deux acquisitions de la ville de Paris pour le Petit-Palais : Le Marché de Saint Ouen, et Promenade sur la plage (qui lui valut le Prix national du Salon en 1912), inspiré par un séjour à Biarritz.
Après un bref séjour en Italie, il s’installe en 1912 en Tunisie, sa terre de prédilection, avec sa femme (peintre elle aussi).
Mobilisé pour la guerre, Pierre Gourdault fut tué au front, et reçut à titre posthume la légion d’honneur à l’occasion de l’exposition rétrospective qui lui fut consacrée par la galerie Georges Petit du 11 au 30 avril 1919, patronnée et inaugurée par le président Poincaré. L’exposition comprenait plus de deux cent oeuvres de Gourdault, et connut un grand succès auprès du public et de la critique.
Notre esquisse fut acquise à cette occasion par le comte Louis-Napoléon d’Arjuzon (1863-1941) comme l’indique son nom et adresse sur une étiquette collée au revers du cadre. Au-delà de l’image, le collectionneur fut peut-être sensible au passé de soldat de l’artiste, lui même étant officier de cavalerie lourde et ayant reçu la légion d’honneur en 1918.