Paul MADELINE

La Sédelle vue depuis la colline des ruines de Crozant


Paul MADELINE (1863, Paris – 1920, Paris)
La Sédelle vue depuis la colline des ruines de Crozant
Huile sur toile (d’origine)
115 x 146 cm
Signée en bas à gauche
1898
Provenance: Collection privée; présenté ensuite dans une auberge du Vexin après la seconde guerre mondiale; puis collection privée
Expositions:
– 1899, Salon de Paris, N° 1286, titré Vallée de la Sédelle à Crozant (Creuse)
– 1903, musée de Rouen, Exposition municipale de Beaux-Arts
Bibliographie: 1899, Catalogue illustré du Salon, reproduit page 74


Notre exceptionnel tableau, réalisé à l’automne 1898, est présenté au Salon de 1899, qui ouvre ses porte le 1er mai, et bénéficie de sa reproduction dans le catalogue illustré du Salon. Cette grande toile d’un format rare pour le peintre, a été réalisée d’un point de vue assez rare lui aussi. Plutôt que de peindre les ruines de Crozant maintes fois représentées par les dizaines d’artistes venus sur place, Madeline se place à leur côté, à l’ouest de la colline encerclée par la Creuse et son affluent la Sédelle, et regarde en direction du sud-ouest pour immortaliser cette fin de journée sur le cours de la Sédelle.
Dans le fond de la composition, entre deux collines se distingue le pont de la Sédelle, depuis lequel la route que l’on voit sur la gauche, montant à flanc de coteau, rejoint le bourg de Crozant, situé juste en dehors du cadre. Plusieurs cartes postales du début du siècle nous montrent cet endroit que Madeline représente baigné d’une belle lumière de septembre ou d’octobre.
Un tableau d’Alfred Smith nous montre la vue opposée, prise au-dessus de la route de Crozant et montrant les ruines ou Madeline se trouvait pour réaliser notre toile.

Paul Madeline, comme son célèbre aîné et inspirateur impressionniste Armand Guillaumin, employé à la Ville de Paris à ses débuts, dut lui aussi s’astreindre à un emploi « alimentaire » d’illustrateur dans une maison d’édition avant que son art reconnu par de nombreux critiques puisse subvenir à l’intégralité de ses besoins. C’est à partir de 1894, année où il rencontra lors d’un dîner parisien le poète Maurice Rollinat et le peintre Léon Detroy, que Paul Madeline se décida, sur les conseils des deux hommes, à venir découvrir la vallée de la Creuse aux confins du Limousin et du Berry. Par ailleurs artiste voyageur et notamment fervent admirateur de la Bretagne, Madeline réservera, jusqu’à sa mort, tous ses automnes à la Creuse où une palette éclatante s’offrait à lui.

Participant pour la première fois au Salon en 1894, c’est en 1897 que Madeline y expose ses premiers sujets creusois, avec les trois oeuvres suivantes : Le Pont-Charreau (Creuse) qui lui vaut une mention honorable, Ruines du château de Crozant (Creuse) (pastel), Sur les bords de la Creuse, Crozant. En 1898, La Sedelle, à Crozant (Creuse), qui figurera également à l’Exposition Universelle de 1900 y obtenant une mention honorable, Un sentier à Crozant (Creuse) (pastel). En 1899 : Une belle journée, dans la Creuse (pastel). En 1901 : Fin de journée sur la Creuse. A partir de cette date, on ne trouve plus de thèmes creusois dans les œuvres que Madeline exposera au Salon de Paris.
Notre tableau fait partie des meilleures œuvres de Madeline distinguées par le Bulletin de la Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze de 1908 : y sont également citées Le Vallon (un grand tableau de 1903 acquis à cette époque par le musée de Pau) ou encore Fin de journée et La chataigneraie (acquises par la ville de Paris pour le Petit-Palais).

Comme tous les impressionnistes, Madeline traitait les touches colorées en fonction des volumes souhaités. Ses touches prenaient l’allure de traits, ou se ponctuaient en fonction des sujets. Fougères ou grandes herbes étaient représentées d’un geste vif et étiré selon une certaine construction et un certain rythme ; les herbes rases ou moussues étaient rendues par des touches rondes et épaisses de couleur vive. Sa palette “explosive” riche de teintes framboise associées à des verts tendres ou émeraude était souvent rehaussée de pointes de bleu de cobalt et de violets améthyste puissants. Ses arbres se distinguaient de ceux de Guillaumin par leur ossature plus stylisée, torturée, souvent dénudée de feuillage.

Les œuvres de l’artiste dégagent une atmosphère qui prête à la rêverie, à l’image de notre grand tableau au sujet idéal, dans lequel on pourrait presque voir la synthèse du paysage néo-classique arcadien et de l’impressionnisme.