Justin OUVRIE (1806, Paris – 1879, Rouen)
Bords de Seine à Argenteuil
Huile sur carton fort (de la Maison Müller, vendu chez J. Berville, 29 rue de la Chaussée d’Antin)
27 x 35 cm
Signé (traces) en bas à gauche
Circa 1850
Justin Ouvrié fut un des principaux et plus prolifiques paysagistes français au XIXème siècle. Neveu du dramaturge et librettiste Eugène Scribe (1791-1861), formé auprès d’Abel de Pujol et de l’architecte André-Marie Châtillon, il se spécialisa dans des vues à la grande précision topographique et rigueur architecturale, teintées de pittoresque.
Il fut un des premiers collaborateurs du baron Taylor (dont il était le filleul) pour ses Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France. Grand voyageur, il parcourut la France entière, alla jusqu’en Italie, mais ses destinations de prédilection furent les pays du Nord: Autriche, Suisse, Allemagne, Grande-Bretagne, Hollande et Belgique. Il exposa au Salon plus de 150 oeuvres, de 1831 jusqu’en 1873, y obtenant régulièrement des récompenses.
Adepte des compositions mélangeant paysage et architectures, dans lesquelles l’eau est presque toujours présente, il réalisa de nombreuses vues de paysages « seinois »: le pont de Pontoise en 1833, Rouen en 1836, Pont de L’Arche en 1848, le pont de Vernon…
La composition de notre tableau respecte les principes du paysage classique et l’incontournable étagement des plans.
Le traitement des éléments, ciel/nuages, eau, personnages, bâtiments, lignes de crête, feuillages… est en parfaite cohérence avec la manière d’Ouvrié.
S’il fut représenté à de nombreuses reprises par les impressionnistes (Monet, Caillebotte, Sisley…), le pont d’Argenteuil fait l’objet d’une iconographie très réduite avant 1870. Ce pont à péage (dont on aperçoit un des deux pavillons posés sur chacune des rives) avait été construit au début des années 1830 pour remplacer le bac existant et fut détruit lors de la guerre de 1870: sa charpente en bois reposait sur des piles en pierre.
Bien avant les impressionnistes, qui en firent un lieu mondialement connu, Ouvrié, dans un registre certes plus classique, restitue avec sensibilité les effets atmosphériques, les reflets des constructions sur le fleuve… La demeure avec le petit fronton, un peu sur la droite du pont, se retrouve dans les tableaux de Monet Argenteuil, Le pont en réparation de 1871, et de Sisley La passerelle d’Argenteuil de 1872.
Il semble que nous soyons encore juste avant le développement industriel d’Argenteuil, qui commence dans les années 1850, et son développement touristique, favorisés par la ligne de chemin de fer qui utilise le pont à partir de 1863. En l’absence d’iconographie de référence, il est difficile de savoir si les barrières du pont sont celles du chemin de fer ou non; le style du tableau, et le fait que le peintre n’ai pas représenté le train (au moins par un sillage de fumée) nous laisse penser que nous sommes certainement avant 1863.
A droite se détachent la butte d’Orgemont et la silhouette de son moulin, qui deviendra bientôt une guinguette.