Nicolas-André MONSIAU

Prédication de Saint-Denis

Dessin du musée Magnin

Nicolas-André MONSIAU (1754, Paris – 1837, Paris)
Prédication de Saint-Denis (étude préparatoire)
Plume et lavis d’encre noire
26 x 16 cm
Circa 1811/1813

Oeuvres en rapport:
Prédication de Saint-Denis, huile sur toile de Monsiau exposée au Salon de 1814 sous le N°713 – Basilique de Saint-Denis
Prédication de Saint-Denis, dessin préparatoire pour le tableau du Salon de 1814 – Musée Magnin, Dijon
Saint-Denis prêchant la foi en France, huile sur toile de Vien exposée au Salon de 1767 – Eglise Saint-Roch, Paris; Saint-Denis prêchant la foi en France, esquisse sur toile pour le tableau du Salon de 1767 – Musée Fabre, Montpellier
Saint-Denis prêchant la foi en France, esquisse sur toile de Deshays exécutée en 1764 – Musée des Beaux-Arts de Nîmes


Quelque peu méconnu aujourd’hui, Nicolas-André Monsiau fut un important peintre d’histoire. A son décès, la Revue des Etudes Historiques saluait ainsi « un respectable vieillard, collègue exact et dévoué, un de nos artistes les plus laborieux et les plus distingués. » Alexandre Lenoir (l’ancien directeur du musée des Monuments Français, qui devait lui-même mourir deux ans plus tard) le décrit alors comme « un excellent époux, un ami sincère, un parfait camarade, modeste et sans ambition, » et rappelle « sa réputation de peintre gracieux, spirituel et correct, au dessin élégant » ; il renchérit en évoquant « un grand peintre, un peintre de coeur, de goût, presque de génie; son excessive modestie fut son seul défaut. »

La formation de Monsiau auprès du peintre néo-classique aixois Jean-François Pierre Peyron (1744-1814) à l’Académie royale de peinture de Paris fut complétée par quatre années d’apprentissage à l’Académie de France à Rome, de 1776 à 1780, ce séjour étant financé par son protecteur le marquis de Corberon. Il fréquenta à Rome des artistes comme Valenciennes ou surtout David au sein de cette « pépinière » du néo-classicisme alors sous le directorat de Joseph-Marie Vien (1716-1809).
De retour à Paris, il expose au Salon de la Correspondance, avant que son agrégation à l’Académie royale de peinture en 1787 avec Alexandre domptant Bucéphale ne l’autorise à présenter ses oeuvres au Salon. Reçu à l’Académie en 1789, il produit jusqu’à la fin du siècle des tableaux très néo-classiques traitant de thèmes antiques, ce qui ne l’empêche pas d’oeuvrer en tant qu’illustrateur (livres d’Ovide, Rousseau…) et de réaliser des portraits de temps à autres.
Il évolue ensuite davantage vers la peinture d’histoire moderne et contemporaine, tirant parfois vers la peinture de genre, et reçoit des commandes de Napoléon.

Notre dessin date de l’apogée de la carrière officielle de Monsiau. Il correspond à la commande par l’état à différents artistes de dix tableaux illustrant les moments emblématiques de la royauté française et destinés à décorer des chapelles de la basilique de Saint-Denis, Monsiau étant chargé de réaliser deux compositions.
La première est une représentation du couronnement de Marie de Médicis; le tableau fut exposé au Salon de 1812 et à nouveau à celui de 1814. Un modello abouti a été très récemment vendu (Vente Artcurial Paris du 13/11/2015, lot N°98, 19 500 €).
La deuxième thématique à illustrer était le prêche de Saint-Denis pour convertir les gaulois au christianisme, au milieu du IIème siècle après JC vers 240. Selon différentes sources sur l’époque à laquelle aurait vécu Saint-Denis, cet épisode se serait plutôt passé lors de la dernière décennie du 1er siècle: Denis aurait été envoyé par le pape Clément pour évangéliser la Gaule, et il aurait ainsi fondé les églises de Chartres, Senlis ou Meaux. Suite à son prêche à Lutèce (Paris), les romains le mirent à mort par décapitation, et sa dépouille fut ensevelie à l’endroit où sera édifiée au Vème siècle la première église de Saint-Denis, dont les fondations se trouvent sous l’actuelle basilique.
Le tableau de Monsiau, de dimensions 2,60 x 1,65 m, fut exposé au Salon de 1814 sous le numéro 713, étant destiné à la sacristie de la basilique. Voici le commentaire qu’en fait Charles-Paul Landon dans les « Annales du musée et de l’Ecole moderne des Beaux-Arts » du Salon de 1814: « L’aspect en est imposant. Les groupes, quoique nombreux, se détachent nettement les uns des autres, parce que les masses d’ombres et les lumières y sont adroitement ménagées. Le coloris ne manque pas de chaleur, et l’effet de l’ensemble a tout-à-la-fois de la douceur et de la fermeté. Peut-être en général les figures sont-elles un peu trop en mouvement pour des personnes qui écoutent ou doivent écouter. Peut-être aussi les costumes et les airs de tête n’ont-ils pas toute l’austérité que le sujet semble exiger. Mais l’artiste a cherché la variété. »
Landon ne mentionne pas le tableau au sujet identique par Joseph-Marie Vien, l’ancien maître de Monsiau, dont celui-ci s’était pourtant directement inspiré; cette monumentale peinture (6,65 x 3,93 m), qui avait notamment fait l’admiration de Diderot au Salon de 1767, était destinée à l’église de Saint-Roch (où elle se trouve toujours, une esquisse peinte, 1,10 x 0,65 m, étant conservée au musée Fabre de Montpellier), et elle s’inscrivait dans un idéal classique semblable à celui de Le Sueur ou Poussin que l’on retrouve aussi chez Monsiau. Vien avait par ailleurs pris la suite de Jean-Baptiste Deshays (1729-1765), qui avait commencé à travailler sur ce sujet et réalisé en 1764 une esquisse (1,09 x 0,65 m, conservée au musée des Beaux-Arts de Nîmes) dans un style totalement différent.

Notre dessin vient utilement aider à comprendre la génèse de l’oeuvre définitive de Monsiau lorsqu’on le compare avec une autre étude préparatoire conservée au musée Magnin de Dijon, adoptant la même technique de la plume et du lavis mais de dimensions légèrement inférieures (19 x 14,2 cm).
L’étude de Magnin présente davantage de similitudes avec le tableau: même attitude de Saint-Denis, même orientation de l’escalier, même édifice à l’arrière-plan central, mêmes organisations des groupes de personnages sur la gauche et en bas à droite. Monsiau ajoute dans le tableau une avancée de colonnes devant l’architecture de droite, un cavalier dans le groupe de figures de gauche, et il supprime le décor de fleuve et de pont à l’arrière-plan à gauche.
En revanche l’étude de Magnin présente les mêmes attitudes des personnages derrière Saint-Denis et le même décor fleuve/pont que dans notre dessin, dans lequel les architectures sont plus sommaires; elle comporte également des traces de mise aux carreaux.
Au final nous pouvons en déduire que notre étude précède probablement celle de Magnin dans le processus créatif.

La thématique de Saint-Denis prêchant dans les Gaules fut également traitée par le baron Gros vers 1816, à l’occasion d’une commande que lui passa l’Etat pour le décor de l’église de la Madeleine à Paris; mais les études réalisées n’aboutirent finalement pas à une version peinte.