Antoine-Martinus KUYTENBROUWER

Les moines mendiants


Antoine-Martinus KUYTENBROUWER (1821, Amersfort – 1897, Paris)
Les moines mendiants
Huile sur panneau
73 x 60 cm
Signée en bas à droite « Martinus »
1866
Exposition: Salon de Paris de 1866, sous le N° 1056 du livret


Ce peintre hollandais, qui vécut à La Haye puis à Bruxelles, reçut ses premières commandes du Roi Léopold Ier de Belgique. Membre de l’académie royale des beaux-arts d’Amsterdam, il devint peintre des chasses du roi des Pays-Bas.
Après avoir été formé dans sa jeunesse par le peintre de genre belge Eugène de Block, Kuytenbrouwer arrive en 1847 à Paris et poursuit sa formation auprès d’Eugène Isabey; dans cet atelier il se lie d’amitié avec son compatriote Jongkind. Dès 1848, il va peindre à Fontainebleau, bivouaquant sous la tente, et expose en cette même année pour la première fois au Salon de Paris, avec deux tableaux de paysages bellifontains.
Etabli dès lors à Paris, mais revenant presque tous les ans en Hollande et ayant par ailleurs un domicile à Bruxelles, il passe ses étés à Barbizon et devient peintre de la Vénerie impériale à Fontainebleau; Napoléon III l’invite également à Compiègne.
En 1861, l’Empereur lui commande deux grands tableaux, Combat de cerfs et Le cerf après le combat, qui sont exposés au Salon de la même année (ils seront aussi présentés à l’Exposition Universelle de 1867), placés juste à côté des oeuvres de Courbet; on peut lire dans « Les Beaux-Arts, revue nouvelle » : « Cet artiste hollandais mérite tous les éloges…grand aspect de couleurs uni à un dessin remarquable » . Reflet de son succès au Salon cette année-là, le prince de la Moscowa et le baron Lambert lui achètent respectivement Têtes de cerfs et Nature morte.
En 1866, Kuytenbrouwer décore une salle à manger du château de Compiègne avec deux grands hallali de cerf et de sanglier.
L’artiste possède une demeure à Avon près de Fontainebleau, qui sera détruite et pillée par les prussiens en 1870, alors qu’il participe à la défense de Paris en tant que chef de bataillon et sera blessé au pied. Naturalisé français en 1876, il s’installe définitivement à Chailly en Bière, et exposera irrégulièrement au Salon jusqu’en 1889.
Il sera également rédacteur en chef du journal illustré « Chasse et Pêche, Sport, Vie en plein air ».

Notre tableau est caractéristique du style robuste, grandiose et vigoureux de Kuytenbrouwer (dont on disait qu’il rappelait parfois Salvator Rosa), et offre une très belle scène de forêt, avec des arbres séculaires et pleins de majesté, où le soleil peine à pénétrer le feuillage. La touche est en outre extrêmement raffinée, que ce soit pour les feuillages, les écorces, les herbes ou le harnachement bigarré du mulet et le pelage blanc immaculé du chien. L’oeuvre bénéficia d’une critique élogieuse dans le journal « Le Pays-Journal de l’Empire » du 19 juin 1866: « Ses moines mendiants de cette année sont peints avec une science consommée et une rare solidité qui a le mérite de ne point s’afficher; les physionomies sont intéressantes et l’artiste a tiré un excellent parti des robes de ses moines, qui sont d’ailleurs drapés avec beaucoup de naturel » .

Victor Joly, dans « Les beaux-arts en Belgique, de 1848 à 1857 », explique bien le goût de l’artiste pour les scènes forestières : « Peu d’artistes comprennent comme Kuytenbrouwer ce que nous appelons la « physionomie morale » d’un chêne ou d’un hêtre. Sous son pinceau un chêne est un poème, une strophe verdoyante et harmonieuse dans cette immense symphonie de formes et de tons. Ses hêtres font rêver, ses chênes ont quelque chose de druidique. Kuytenbrouwer, presque en communion constante avec la nature, a pu surprendre ses secrets, qu’elle ne livre qu’à ceux qui l’aiment par dessus tout » . Les moines mendiants ici représentés appartiennent probablement à l’ordre des franciscains; ils bénéficient de la générosité de deux chasseurs vêtus à la mode de la fin du XVIème siècle, accompagnés de leurs chiens.