Albert MAIGNAN

Pauline et Sévère (Polyeucte)


Albert MAIGNAN (1845, Beaumont sur Sarthe – 1908, Saint-Prix)
Pauline et Sévère (illustration pour l’acte II, scène II de Polyeucte)
Encre de Chine, plume et lavis
51 x 35 cm
Signée en bas à gauche
1889
Exposition: 11ème exposition de la Société d’Aquarellistes Français, Galerie Georges Petit, 8, rue de Sèze à Paris. N°125 du catalogue.


Ce beau dessin au sujet classique mais teinté de symbolisme est un excellent exemple des talents d’illustrateur d’Albert Maignan, une facette de son art qu’il développa significativement à partir de 1883.
Il fait partie des cinq aquarelles au « noir d’ivoire » créées par Maignan pour illustrer le Polyeucte d’après Corneille, un ouvrage spécialement publié par éditions Mame (pour lesquelles Maignan travaillait beaucoup) pour l’Exposition universelle de 1889. Ces aquarelles furent exposées en 1889 à la célèbre galerie Georges Petit (qui accueillait la 11ème exposition de la Société d’Aquarellistes Français) sous les N°124/125/126/127/128 (Maignan exposait un autre dessin d’illustration pour « Boileau » sous le N°129).
Chaque dessin illustrait un épisode de chacun des cinq actes de la tragédie.
Notre oeuvre représente le moment où Pauline (la fille de Félix, sénateur romain et gouverneur de la province d’Arménie) retrouve son ancien prétendant Sévère (un noble général romain) et lui explique qu’elle est désormais mariée à Polyeucte (un seigneur d’Arménie) et qu’elle ne peut plus le revoir. La scène se déroule dans un jardin avec un petit temple de Vesta où Pauline vient de déposer une offrande; Stratonice, la confidente de Pauline, se tient à ses côtés, tandis que Sévère est accompagné de son domestique Fabian. Le dessin est légendé par les paroles de Pauline à Sévère:  » Oui je l’aime Sévère, et n’en fais point d’excuse« .

Le livre fut imprimé à 800 exemplaires, contenant les compositions de Maignan gravées à l’eau-forte par Emile Boilvin, Félix Bracquemond, Lionel Le Couteux et Charles-Albert Waltner.
La tragédie de Corneille, jouée pour la première fois en 1641, avait été en quelque sorte remise au goût du jour par l’opéra qu’en tira Charles Gounod en 1878.

Né dans la Sarthe, Albert Maignan suit « par obligation » des études de droit, mais l’art reste sa véritable vocation. Elève du paysagiste et mariniste Jules Noël en 1865, puis d’Evariste Luminais à partir de 1869, il effectue cette même année un voyage en Espagne mauresque (poussant probablement jusqu’en Egypte), qui lui donne le goût de créer quelques oeuvres orientalisantes. Représentant d’un certain mouvement académiste (peinture d’histoire et allégorique) de la fin du XIXème siècle, il expose chaque année au Salon entre 1867 et 1906, et réalise, à l’occasion de commandes officielles, des décors pour plusieurs édifices parisiens comme l’Opéra Comique, le Sénat, l’Hôtel de ville. Il est également célèbre pour la décoration en 1900 du restaurant Le Train Bleu à la gare de Lyon.
Son succès se traduit notamment par plusieurs médailles au Salon, une médaille d’or à l’exposition universelle de 1889, et la Légion d’honneur en 1883 (Chevalier) et en 1895 (Officier).
Féru d’archéologie, collectionneur émérite, il partageait son temps entre son atelier du 1,rue La Bruyère dans le quartier de la Nouvelle Athènes à Paris (9ème arrondissement) et sa maison de campagne à Saint-Prix dans le Val d’Oise, dans laquelle il recevait régulièrement ses élèves à partir de 1890.

La Fondation Taylor, qui occupe les locaux de sa maison-atelier de Paris, lui rend hommage à l’occasion d’une exposition du 11 mars au 7 mai 2016.

Liste des cinq dessins de Maignan exposés en 1889, tels que décrits au catalogue de l’exposition:

124. Acte I. — Le Songe de Pauline.
« J’ai vu mon père même un poignard à la main,
Entrer le bras levé pour lui percer le cœur.
»
125. Acte II. — Pauline et Sévère.
« Oui je l’aime, Sévère, et n’en fais point d’excuse. »

126. Acte III. — Polyeucte brisant les idoles.
« Du plus puissant des dieux, nous voyons la statue
par une main impie, à leurs pieds abattue.
»
127. Acte IV. — Polyeucte et Pauline.
Polyeucte :
« Je vous aime
Beaucoup moins que mon Dieu, mais bien plus que moi-même.
Pauline :
Au nom de cet amour ne m’abandonnez pas !
»
128. Acte V. — Pauline et Félix.
« Je vois, je sais, je crois, je suis désabusée ! »

Et voici ce qu’on trouvait dans La Revue des Deux Mondes en 1889 à propos de cette édition de Polyeucte:

« Nous avions admiré, mais sans y pouvoir toucher, le Polyeucte de la maison Mame ; — et nous l’avons revu avec plaisir. C’est un magnifique volume aussi, dont l’arrangement et la composition font le plus grand honneur à ses éditeurs. Et à ce propos, il est fort heureux que, tandis que l’Imprimerie nationale se borne à publier, dans un format d’ailleurs peu maniable, les œuvres de son directeur, ou l’Histoire de la Révolution française, de Michelet, — car pourquoi pas celle de Thiers, ou celle de Louis Blanc ? — les grandes maisons d’édition rivalisent au contraire d’ardeur et de dépenses pour entretenir ou renouveler le culte des classiques. Le Polyeucte de la maison Mame, illustré d’un portrait de Corneille, par M. F. Burney, dont le talent rappelle celui de son maître, F. Gaillard ; de cinq grandes compositions gravées d’après les dessins de M. Albert Maignan, et de nombreuses gravures sur bois ; précédé d’une introduction de M. Léon Gautier ; et enrichi de curieux ou savants éclaircissements de MM. Paul Allard, sur les Procès des Martyrs, Edouard Garnier, sur Polyeucte au théâtre, et L. Legrand, sur Polyeucte devant la critique, sera certainement mis, d’un accord unanime, au nombre des plus beaux livres que nous ayons vus depuis quelque temps. Les amateurs n’apprendront pas sans quelque satisfaction que ce Polyeucte n’a été imprimé qu’à huit cents exemplaires seulement.«