Auguste LEBOUYS

Le Chevalier de Bois-Guilbert se rendant au château de Cédric le Saxon (père d’Ivanhoe)


Auguste LEBOUYS (1812, Honfleur – 1854, Nemours) et Jules COIGNET (1798, Paris – 1860, Paris)
Le Chevalier de Bois-Guilbert se rendant au château de Cédric le Saxon (père d’Ivanhoe)
Huile sur toile
67 x 100 cm
Signée et datée 1837 en bas à droite
Provenance:
– Collection Moyon (encadreur, marchand de dessins et de tableaux)
– Sa vente les 16/20 janvier 1838 (« Belle et nombreuse collection de tableaux modernes, et de quelques tableaux anciens, après cessation de commerce de Monsieur Moyon »), expert Claude Schroth, Commissaire-Priseur Pierret, N°471 du catalogue, titré Gurthe et Wamba égarés dans la forêt; tiré de Richard en Palestine, par Walter Scott


Ce peintre normand fut l’élève (et même un de ses préférés) de Paul Delaroche aux Beaux-Arts, ce qui explique probablement son goût pour la peinture à thème historique. Après une première participation au Salon dès 1833 (Intérieur d’écurie), l’année de son entrée aux Beaux-Arts, il se présenta au Grand Prix de Rome de Peinture en 1840, et s’y classa deuxième derrière Brisset, le sujet à illustrer étant Caïus Gracchus ; il persévéra en 1841, et fut cette fois le lauréat avec La Robe de Joseph présentée à Jacob. Le tableau, de dimensions 1,13 x 1,46 m, est conservé à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts, alors que le Musée Magnin de Dijon en abrite une étude peinte.

Lebouys (ou Lebouy, ou encore Lebouis, les trois orthographes existent) exposa au Salon de 1841 deux tableaux consacrés à Marie-Antoinette : La reine Marie-Antoinette à la Conciergerie (N°1225), et Trait de bonté de la reine Marie-Antoinette (N°1226) ; il exposa aussi au Salon de 1853 (3ème médaille) La rade du Havre de Grâce, prise depuis la place d’Honfleur, alors qu’il était domicilié au 3, rue Mazarine à Paris. Mais c’est surtout dans la peinture religieuse que s’illustra Lebouys : on trouve ainsi une huile sur toile à la mairie d’Orléans, La mort de Saint Paul ermite, exécutée à Rome vers 1842/43 sous la direction de Jean-Victor Schnetz, une Assomption de 1841 conservée à la mairie de Monteroux dans le Var, deux peintures (commandées en 1850) dans la chapelle du calvaire de l’église Saint Nicolas du Chardonnet (Notre Dame des douleurs), une peinture dans la sacristie de l’église Notre-Dame des Champs à Montparnasse. Dans le registre mythologique, le Princeton Museum of Art conserve un Bacchus et Ariane, dont la composition se rapproche quelque peu de celle de notre tableau.
Lebouys eut une fille, Catherine, née à Rome vers 1847, qui réalisa une intéressante carrière de violoniste.

« Ivanhoe », le roman historique médiéval de Walter Scott suscita, rapidement après sa parution en 1820, l’intérêt des artistes de la nouvelle génération romantique, qui y virent une alternative aux sujets traditionnels. Léon Cogniet peignit ainsi en 1828 Rebecca enlevée par Bois-Guilbert, aujourd’hui conservé à la Wallace Collection de Londres, dans une veine plutôt romantique ; Edouard Pingret réalisa aussi une version représentant Rebecca, en 1827, dans un style plus « troubadour » ; quant à Eugène Delacroix, il avait dès 1823 produit une représentation de Rebecca et Ivanhoe blessé, avant de peindre L’enlèvement de Rebecca en 1846 (Met de New-York), ou Rebecca enlevée par les Templiers en 1856 (Louvre).

L’oeuvre représente un des tous premiers épisodes du roman. Un groupe d’une dizaine de cavaliers normands traverse l’immense forêt du centre de l’Angleterre entre Doncaster et Sheffield ; menés par Aymer (le prieur plutôt paillard de l’abbaye de Jorvaulx) et par le Chevalier Brian de Bois-Guilbert (un moine soldat commandant de l’ordre des Templiers), ils se rendent par la route au château de Cédric de Rotherwood (Cédric le Saxon), le père d’Ivanhoe. Ils s’apprêtent à demander leur chemin aux deux personnages du premier plan, des saxons au service de Cédric. A gauche, Gurth est un porcher, tandis que son compagnon Wamba, vêtu de rouge, est le bouffon de Cédric. Le temps est à l’orage, et les deux hommes ont commencé à rassembler le troupeau de cochons.
L’Honfleurais Lebouys manifeste dans cette toile son appartenance au courant des peintres illustrateurs d’œuvres littéraires historiques. Il y fait preuve d’un réel talent de coloriste, avec la très vraisemblable collaboration du célèbre paysagiste Jules Coignet, bien reconnaissable dans le traitement de l’arbre et du ciel. Les deux hommes s’étaient peut-être rencontrés à Honfleur, où Coignet se trouvait par exemple en 1831. On connaît un autre tableau réalisé en commun, signé Coignet avec la date 1835, et Lebouys avec la date 1836, passé en vente chez Christie’s (26/09/1997) sous le titre Voyageurs européens pris en embuscade dans une forêt.

Notre tableau, au même titre que huit autres peintures de Lebouys (numéros 470 à 478) faisait partie de la vente Moyon de janvier 1838, qui se déroula à Paris sur plusieurs jours en Salle 1 de l’Hôtel des Ventes mobilières du 2, place de la Bourse. La référence dans le catalogue au roman de Scott « Richard en Palestine » (paru en 1825) est cependant erronée, car le sujet est bien celui du début d' »Ivanhoe ».
Jean-Nicolas Moyon (né à Saint-Germain en Laye en 1798), fils d’un marchand fripier, était à l’origine un éditeur d’estampes, mais qui devint également marchand de dessins et de tableaux, installé au 5 rue de l’Université.
Son fond était constitué d’oeuvres des meilleurs artistes « modernes » de l’époque, comme Bellangé, Bertin, Boisselier, Bidault, Bouton, Coignet, Dubufe, Fleury, Géricault, Girodet, Gudin, Lapito, Leprince, Pingret, Rémond, Roehn, Renoux …
L’expert de la vente, Claude Schroth était lui-même un ancien marchand des années 1820, qui avait notamment travaillé pour la duchesse de Berry.