Eugène LE POITTEVIN

Van de Velde dessine un combat naval d’après nature

Lithographie du tableau du Salon de 1843


Eugène Modeste LE POITTEVIN (1806, Paris – 1870, Paris)
Van de Velde, qui suivait habituellement son ami Ruyter dans les campagnes maritimes, dessine un combat naval d’après nature
Aquarelle et gouache
17 x 22 cm
Signée en bas à droite
1842 ou 1843
Oeuvre en rapport: tableau exposé au Salon des Beaux-Arts de Paris de 1843 sous le N°786


Notre aquarelle est préparatoire au tableau que Le Poittevin exposa au Salon de 1843, et qui fut lithographié par Charles Jacque. La Revue des Deux Mondes jugea à l’époque la peinture « extrêmement soignée, lissée, proprette, en un mot prête à livrer. Cette coquetterie est du reste justifiée par des qualités réelles.« 
Entre l’aquarelle et le tableau (au vu de la version lithographiée) existent peu de différences: le drapeau du mât principal un peu plus long et sinueux sur le tableau; à la droite de la barque, le gentilhomme au chapeau à plumet blanc porte un autre chapeau (plus simple) dans le tableau; devant lui le personnage à la capuche est remplacé par un soldat coiffé d’un morion; à la gauche du galion sur la droite, les nuages de fumée sont remplacés par une barque.
Le Poittevin ne faisait ici qu’illustrer les habitudes de travail du peintre de marines Willem Van de Velde (1611-1693), qui, dès qu’il entendait parler d’un combat que son ami l’amiral Ruyter (1607-1676) allait livrer, s’embarquait aussitôt dans l’unique but d’assister à l’action et d’en représenter les mouvements avec plus de vérité, n’hésitant pas à risquer sa vie pour cela.

Le Poittevin, qui avait été très influencé par la peinture hollandaise à l’occasion d’un séjour aux Pays-Bas, réalisa plusieurs oeuvres mettant en scène des peintres hollandais du XVIIème siècle, et particulièrement Willem Van de Velde; il exposa ainsi au Salon de 1845 un Van den Velde étudiant l’effet du canon que son ami Ruyter fait tirer dans ce but, qui fut reproduit dans l’Illustration en 1845 (numéro de mars à août), avec le commentaire suivant: « une marine d’un ton gai, d’une touche facile, et qui tire le meilleur parti possible de la place que lui laissent les personnages. Ces personnages, et parmi eux Van den Velde à son chevalet, sont placés sur une large et lourde barque, qui ressemble à une avance de quai. Cette barque est sans doute exactement copiée d’après nature; mais elle se présente par un pan coupé d’une manière peu pittoresque. » Au même salon il exposa un second tableau ayant pour sujet un autre célèbre peintre de marine hollandais: Backhuysen se faisant raconter des faits de piraterie par les pêcheurs de Schweningen.
En 1850, il exposait Backhuysen dessinant d’après nature dans les dunes de Schweningen et Guillaume Van den Velde, peintre hollandais, s’embarque pour aller au devant de l’amiral Ruyter, son ami, à son arrivée à Rotterdam.

Le Poittevin (de son véritable nom Poidevin) passa son enfance à Versailles, où son père occupait le poste de « Sous-conservateur du mobilier de la couronne ». Ses talents artistiques lui permirent d’intégrer l’atelier de Louis Hersent vers 1823 puis celui de Xavier Leprince (suite au décès de ce dernier en 1826, Le Poittevin s’y installa et y termina même les dernières oeuvres inachevées de son maître); il est alors notamment soutenu par Alexandre du Sommerard (grand collectionneur et futur créateur du musée de Cluny), qui lui achète plusieurs tableaux. Le Poittevin échoua de peu au Prix de Rome du paysage historique en 1829, ce qui ne l’empêcha pas d’exposer dès 1831 au Salon, et ceci sans discontinuer jusqu’à sa mort.
Même s’il eut une activité d’illustrateur et de caricaturiste (cf ses recueils lithographiques de Diableries et ses dessins érotiques voire pornographiques), l’essentiel de son oeuvre représente des scènes de retour de pêche et des marines sur le littoral normand et en particulier cauchois. Certains critiques de l’époque évoqueront le côté parfois répétitif de ses compositions.
Romantique dans les années 1820 et 1830 (avec des oeuvres proches de celles d’Isabey ou d’Auguste Biard, avec lequel il est ami et collabore parfois), son style devient progressivement plus réaliste par la suite.
A l’instar de Charles Mozin (un autre élève de Leprince) avec Trouville, il fait partie des premiers artistes à lancer le village d’Etretat comme une station balnéaire mondaine; c’est son ami Eugène Isabey qui lui a fait découvrir l’endroit, et il y acquière rapidement une maison, La Chauferette, où il accueillera notamment Gustave Courbet en 1869.
Il est nommé peintre officiel de la marine en 1849, à la suite de Louis-Ambroise Garneray, de Louis-Philippe Crépin et Théodore Gudin (ces deux derniers nommés en 1830).
Très apprécié de son temps, il reçoit plusieurs récompenses officielles lors des Salons: médaille de 1ère classe en 1836, de 2ème classe en 1831 et 1848, de 3ème classe en 1855. Son atelier parisien se situait au 5, cité Trévise, dans l’actuel 9ème arrondissement.