Roger JOURDAIN

Veneur de l’équipage du Francport (Oise) tenant son fouet


Roger-Joseph JOURDAIN (1845, Louviers – 1918, Paris)
Veneur de l’équipage du Francport (Oise) tenant son fouet: portrait présumé de Marie-Joseph Charles des Acres, Comte de l’Aigle
Aquarelle gouachée
38 x 27,5 cm
Signée en bas à droite
Circa 1905


Cette fraîche aquarelle est une rare iconographie artistique (il existe tout de même des oeuvres par Olivier de Penne, Georges Busson ou encore Karl Reille) d’un membre du rallye du Francport (Oise), un des plus célèbres et des plus prestigieux équipages de vénerie du XIXème siècle, qui fut en activité de 1790 à 1914.
Les chasses se déroulaient dans les forêts de Compiègne, Laigue et Ourscamps, avec pour gibiers principaux le sanglier et le cerf.
L’équipage, très prisé pour son élégance, son respect des tradition et la qualité de sa meute, comptait 86 chiens, tous importés d’Angleterre, en 1899. Il faisait notamment l’admiration de l’Impératrice Eugénie sous le second Empire.
La tenue avait plusieurs fois changé de couleurs, pour finalement adopter le gris/blanc, avec des parements amarante, galons dorés, culotte blanche.
Charles des Acres (1875, Paris 8ème – 1935, Neuilly sur Seine) était un passionné de vénerie, et également d’automobile (il fut d’ailleurs vice-président de l’Automobile Club de France). Son intérêt pour les chiens se manifesta dans son appartenance au Retriever Club, ou sa participation comme juge à des expositions canines (comme à Paris en 1911).
En janvier 1913, il quitta le château de Francport avec sa femme et ses parents pour habiter son hôtel particulier parisien au 10, rue d’Astorg, avant de se réinstaller en juin 1919 à Francport.
Il exerça plusieurs responsabilités politiques au niveau local, en étant conseiller général et député de l’Oise, et maire de Rethondes entre 1908 et 1935 (sa fille Henriette fut maire de 1947 à 1983).

Issu d’une puissante dynastie de l’industrie textile à Louviers, Roger Jourdain décide tôt de se destiner à la peinture; à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Paris, il est l’élève des maîtres académiques que sont Alexandre Cabanel et Isidore Pils. Il débute au Salon de 1869, et son succès et sa fortune personnelle lui permettent de se faire construire dès 1876 un hôtel particulier près du parc Monceau à Paris, qu’il revend rapidement au peintre Guillaume Dubuffe, et qui est aujourd’hui le musée Jean-Jacques Henner (43 avenue de Villiers).
Lui et sa jeune femme habitent ensuite boulevard Berthier; ils fréquentent la haute société bourgeoise et aristocratique de la plaine Monceau, ainsi que le milieu artistique. Jourdain est ainsi très ami avec les peintres Jean-Louis Forain, Ernest-Ange Duez (avec lequel il se retrouve souvent à Villerville, entre Honfleur et Trouville, un village de pêcheurs où les deux hommes possèdent une demeure)… Quant à sa femme, la très belle Henriette Dubois de Moulignon, elle sert de modèle à, entre autres, Besnard (portrait au musée d’Orsay), Sargent ou Boldini.
Adepte à ses débuts des sujets orientalistes, il affectionne aussi les portraits, les scènes d’intérieur et les paysages animés: bords de rivière (Eure, Seine à Bougival…), de mer,… typiques de la Belle Epoque. Il fut aussi illustrateur de livres (Maupassant) et affichiste.
Son style est classique, ni véritablement académique, ni impressionniste (un peu à l’image de Norbert Goeneutte), mais avec un véritable et constant sens de la mise en scène, qui donne énormément de présence et de vérité aux figures qui animent ses compositions, le rendant finalement assez proche de Caillebotte.
Membre de la Société des Artistes Français en 1883, chevalier de la Légion d’Honneur en 1889, il entame sur le tard une carrière politique et devient maire de Rueil-Malmaison de 1900 à 1906.

Comme notre oeuvre le montre, Jourdain était un très talentueux aquarelliste, et il appartenait d’ailleurs à la Société des Aquarellistes Français. Quant à la vénérie et la chasse, Jourdain avait été dès son plus jeune âge un familier de cet univers (sans en être un pratiquant), au contact de son oncle maternel, Premier écuyer de Napoléon III, et de Louis Jadin (1805-1882), le peintre de la vénerie impériale auprès duquel il se forma.