Joseph PERLAU

Le passage du gué


Joseph PERLAU (1809, Bruxelles – 1860)
Le passage du gué
Huile sur toile
38 x 47,5 cm
Signée en bas à gauche
Circa 1838


Joseph Perlau appartient à l’école des paysagistes belges du deuxième quart du XIXème siècle, perpétuant une tradition initiée par Henri-Joseph Antonissen (1737-1794). Ces tableaux se reconnaissent à leur douce lumière et à un mélange de paysage classique animé par la présence plus ou moins dominante d’animaux, essentiellement des vaches et des moutons.
Parmi les élèves d’Antonissen, Balthazar Ommeganck (1755-1828) opta davantage pour la mise en valeur des animaux, avec des cadrages assez resserrés sur ceux-ci; Simon Denis (1755-1813), autre élève d’Antonissen, priorisa quant à lui le paysage et les effets de nature, et se rapprocha dans une certaine mesure des principes du français Pierre-Henri Valenciennes. Entre Ommeganck et Denis, on peut situer Martin Verstappen (1773-1852).
A la suite de ces générations de peintres anversois apparaît une autre figure notable de la peinture belge, Eugène Verboeckhoven (1798-1881). Celui-ci, à l’instar d’Ommeganck, se concentre sur les représentations animalières; il conserve ce sens de la lumière italo-flamande, mais les compositions et l’atmosphère de ses tableaux sont résolument ancrées dans le XIXème siècle.

C’est à l’occasion du Salon de Bruxelles de 1836, où il est récompensé d’une médaille de bronze, que Joseph Perlau se fait remarquer, tout comme ses deux confrères Marneffe et Verwée. Comme Marneffe, c’est davantage un paysagiste alors que Verwée est plus un animalier.
Les deux paysages composés que Perlau expose lui valent d’ailleurs les louanges de l’écrivain et historien de l’art Louis Alvin dans son compte-rendu du Salon: il souligne notamment ses « arrière-plans à la fois vaporeux et pleins d’air et de lumière » , osant même « ses premiers coups d’essai valent presque des coups de maître » . On va jusqu’à comparer Perlau à Claude Gelée dit le Lorrain, pour son sens aigu de la composition. On lui reconnaît un excellent dessin et des qualités de coloriste, tout en lui reprochant peut-être un manque de fermeté dans la touche.
L’Etat belge lui achète le plus grand (1,10 x 1,39 m, N° 394 du livret, Paysage) de ses deux tableaux exposés.

Les oeuvres de Perlau présentent un caractère poétique, et sont empreintes de calme et d’une forme de gaieté.
On retrouve ce côté quelque peu riant dans notre tableau avec une petite scène anecdotique: le jeune berger, souriant et amusé, incite son chien, légèrement apeuré, à s’engager dans l’eau pourtant paisible de la rivière. La petite chute d’eau, très finement peinte, amène une forme d’agitation en contrepoids à la sérénité parfaite de la scène.
Notre tableau présente une certaine proximité avec des oeuvres du peintre genevois Adam-Wolfgang Töpffer (1766-1847), lui-même fortement influencé par l’enseignement de Valenciennes. A côté de cette ambiance néo-classique, on y perçoit également des réminiscences plus lointaines des atmosphères italianisantes des pastorales de Berchem, ou plus proches de certaines compositions de Jean-Jacques de Boissieu, lui-même adepte de Berchem.
Il est possible que les figures animales aient été peintes par Verboeckhoven, qui collaborait souvent aux oeuvres des artistes de son entourage, et notamment avec Perlau.

Ce peintre au talent si prometteur exposa encore trois tableaux (N° 418, 419, 420, tous titrés Paysage) à l’Exposition Nationale des Beaux-Arts de Bruxelles en 1839, avant qu’on en perde ensuite la trace en tant qu’artiste. Son adresse se situait au 20 boulevard de l’Observatoire à Bruxelles, et ses oeuvres furent acquises par le célèbre collectionneur bruxellois de l’époque, Van Becelaere.
Le Musée Royal des Beaux-Arts de Belgique acquit en 1850 une grande toile, réalisée en duo avec Verboeckhoven (Inv 1184).