Jean-Charles GESLIN

Paestum: les ruines du temple de Neptune

Gravure d'après le dessin de Viollet le Duc

Jean-Charles GESLIN (1814, Paris – 1887, Paris)
Paestum: les ruines du temple de Neptune
Huile sur toile
40 x 49 cm
Signée et datée en bas à gauche
Juillet 1845
Provenance:
– Probablement vente du 5 avril 1854, « Tableaux faisant partie du voyage en Italie de J. Geslin », (Hôtel Drouot, salle 2, Ridel Commissaire-Priseur, Francis Petit expert) – N°6 (Ruines du grand temple de Paestum. Vue prise dans l’intérieur) du catalogue de la vente
– Probablement vente après-décès de l’artiste les 7/8/9 février 1888 (Hôtel Drouot, salle 8, Tual Commissaire-Priseur, B. Lasquin expert en tableaux) – N°11 (Grand temple de Paestum, étude intérieure) ou N°42 bis (Paestum, intérieur d’un temple) du catalogue de la vente


Jean-Charles Geslin entra à l’École des Beaux-Arts en 1830. Attiré naturellement par la peinture, ses parents le contraignirent cependant à entrer dans l’atelier de l’architecte Félix-Emmanuel Callet, apparenté à sa mère. Au bout de deux ans, voulant réellement se perfectionner en peinture, il intégra l’atelier de Picot, tout en consacrant ses loisirs à l’archéologie.
Après une première participation au Salon en 1841 avec une vue de l’abside de l’abbaye de Saint-Denis, Geslin décida de poursuivre sa formation en Italie, y retrouvant Paul Delaroche (qui avait aussi été un de ses maîtres et soutien à Paris), et passant plus de trois ans entre Rome, Pompéi et Paestum. Ces sites antiques lui fournirent le sujet de la quasi-totalité des oeuvres qu’il présenta au Salon entre 1842 et 1850, avec un intérêt marqué pour les vues nocturnes, au clair de lune; il obtint une médaille de 3ème classe à l’édition de 1845.
Considéré alors comme l’un des meilleurs peintres d’architecture, Geslin fonda son cours de dessin préparatoire aux Écoles du Gouvernement, et reçut bon nombre de commandes publiques qui l’occupèrent jusque sous le Second Empire, même s’il était davantage républicain que porté sur le régime impérial.
Plus de vingt ans après sa dernière participation, il exposa au Salon de 1878 deux dessins à thématique parisienne, puis consacra ses dernières forces à classer ses nombreuses collections et à en faire les catalogues.

Au sud de Salerne, la cité grecque de Poseidonia, créée au milieu du VIIème siècle avant J.-C., fut conquise par Rome en – 273, prenant alors le nom de Paestum. La ville prospéra jusqu’au Ier siècle de notre ère, puis déclina peu à peu; dépeuplée par la malaria, elle fut détruite par les Sarrasins en 877. A la fin du XVIIIème siècle, le site commença à faire l’objet de fouilles régulières.
Le temple de Neptune (ou second temple d’Héra, car il est aujourd’hui admis que c’était bien à cette divinité que le temple était dédié), qui nous intéresse ici, fut bâti en 450 avant J.-C à côté d’un premier temple dédié à Héra déjà existant sur le site mais d’une architecture plus archaïque. Bâti sur le modèle du temple de Zeus à Olympie, de dimensions de 25 mètres de large pour 60 mètres de long, c’est l’édifice le plus important de Paestum.

Geslin, qui venait de séjourner 9 mois à Pompéi, se rendit à Paestum en juillet 1845. En dépit de l’atmosphère hautement insalubre de ce site marécageux, il y passa 17 jours, fasciné par la beauté des ruines. Logé dans un couvent à quelques kilomètres du site, il réalisa de nombreux croquis et tableaux, mais contracta de violentes fièvres, dont il devait ressentir les effets encore plusieurs années après.

D’un point de vue et d’un cadrage assez originaux, et à vrai dire plutôt théâtral, notre magnifique tableau est peut-être inspiré d’un dessin au lavis de Viollet-le-Duc (29 x 47,5 cm, inv RF3906, musée d’Orsay) exécuté le 24 juillet 1836. Si l’exactitude architecturale est autant respectée chez Viollet-le-Duc que chez Geslin, la composition de Geslin propose toutefois un effet de contre-plongée, avec un léger décalage latéral, qui rend la vue encore plus spectaculaire; par ailleurs, chez Viollet-le-Duc l’ambiance est peut-être plus romantique et pittoresque (notamment grâce à la présence d’un petit personnage italien assis sur les ruines), alors que la vue de Geslin, tout en étant poétique, est presque photographique. Quelques années plus tard, le photographe florentin Giacomo Brogi (1822-1881) reprendra d’ailleurs presque à l’identique la vue de Geslin.