Hippolyte Bellangé

La Vivandière de Wagram

Reproduction de l'aquarelle dans La Presse Illustrée

Hippolyte BELLANGE (1800, Paris – 1866, Paris)
La Vivandière de Wagram
Aquarelle gouachée
22 x 30,5 cm
Signée en bas à gauche
1862
Exposition: Ecole des Beaux-Arts de Paris, sous le N°157, en février 1867


Cette poignante et forte aquarelle a été exécutée en 1862, une période où Hippolyte Bellangé, après avoir en majorité représenté des scènes du Second Empire pendant une quinzaine d’années, revient à sa passion pour la légende napoléonienne. Jules Adeline indique dans son ouvrage de 1882 consacré à Bellangé, que l’œuvre, décrite comme Vivandière près du cadavre d’un cuirassier, fut vendue pour 800 Fr à un certain M. Plisson. Elle figura à l’exposition posthume des œuvres de Bellangé à l’Ecole des Beaux-Arts de février 1867, sous le titre La Vivandière (champ de bataille de Wagram), et fut reproduite dans le N°25 de La Presse Illustrée du 26 avril 1868 avec le titre La Vivandière de Wagram.

Le dessin est d’une exécution très soignée, notamment dans les visages du soldat et de la femme, tous deux d’une grande expression. La détresse dans le regard de la vivandière, la crispation de son visage et de sa main, laissent supposer que le cuirassier est probablement son mari ; celui-ci agonise, le teint blême, ses yeux à peine entrouverts tentent de rencontrer une dernière fois ceux de sa femme. Dans l’horizon crépusculaire se détachent sur la gauche les silhouettes de deux cavaliers déjà préoccupés par l’avenir et la suite des combats. Dans un contexte très différent, l’ambiance rappelle, par certains aspects assez crus, celle de la lithographie de Daumier sur le massacre de la rue Transnonain.

Le cuirassier est un brigadier. La vivandière porte sur son épaule le traditionnel tonnelet rempli d’alcool, d’une contenance d’environ 1,5/2 l, avec son petit robinet, peint en bleu blanc rouge. Comme parfois le faisaient les vivandières, elle a revêtu une pelisse de hussard (ici il semble s’agir des couleurs du 4ème régiment).
Le personnage de la vivandière apparaît fréquemment dans les œuvres de Bellangé, comme par exemple La veuve du soldat de 1847, tableau aujourd’hui conservé au musée de l’Hermitage de Saint-Petersbourg. L’ambiance y est volontiers « troupière », plutôt joyeuse et souvent anecdotique, à l’opposé de l’atmosphère dramatique, voire romantique, de notre composition, où toute mièvrerie ou misérabilisme est absent.
De même, Bellangé traita plusieurs fois le thème de la bataille de Wagram : La bataille de Wagram (exposée au Salon de 1837), une grande composition à la Lejeune ou Thévenin, Napoléon à Wagram (exposé au Salon de 1842 sous le N°75), … parmi d’autres.

Fils d’un célèbre ébéniste de l’Empire, Hippolyte Bellangé effectue de courtes études au lycée Bonaparte. Il entre à 16 ans dans l’atelier du baron Gros, où il rencontre notamment Nicolas Charlet, avec lequel il restera ami sa vie durant. Tout comme Charlet et son autre ami Raffet, il est ébloui et fasciné par le prestige de Napoléon. Il expose pour la première fois au Salon en 1822, et y reçoit une médaille de deuxième classe en 1824. En 1834, c’est la consécration avec l’obtention de la Légion d’Honneur pour son tableau Le retour de l’île d’Elbe. En dehors de quelques grandes compositions de batailles (dont certaines sont conservées à Versailles), c‘est dans les petits formats et les tableaux de chevalet ainsi que dans les dessins et aquarelles qu’il excelle véritablement, en y faisant preuve d’une habileté extrême. Les 17 années qu’il passe à Rouen (1837-1854), où il est conservateur du musée et a son atelier rue des Champ-des-oiseaux, l’éloignent quelque peu des succès parisiens. Travailleur acharné et artiste fécond, il peint jusqu’au jour de sa mort. Son fils Eugène (1837-1895) fut lui aussi un peintre militaire.