Francisque GRENIER de SAINT-MARTIN

Un matelot appuyé contre une palissade

Lithographie de la Galerie de la duchesse de Berry

Francisque GRENIER de SAINT-MARTIN (1793, Paris – 1867, Paris)
Un matelot appuyé contre une palissade
Huile sur toile
30,5 x 22,5 cm
Signé en bas à gauche
Cadre d’origine portant l’inscription GRENIER à l’encre noire et une étiquette avec le N° 293
Au dos de la toile, « 209 » inscrit à l’encre
Tampon rouge de la collection de la duchesse de Berry au dos de la toile
1823 ou 1824
Exposition: Salon de 1824, sous le N° 815
Provenance:
– Claude Schroth, qui en fait l’acquisition au Salon
– Duchesse de Berry, qui en fait l’acquisition auprès du précédent
– Vente des Tableaux composant la galerie du Palais Vendramin à Venise, et appartenant à Madame la duchesse de Berry – Mercredi 19 avril 1865, Drouot, Salle 5, N° 293 du catalogue de la vente, titré Un matelot guettant un navire
– Collection des Cars (acquis à la vente précédente)


Francisque-Martin Grenier de Saint-Martin, qui signait souvent F. Grenier ou bien François Grenier, se forma d’abord auprès de Guérin, qui lui fit faire des progrès si rapides, qu’il commença très jeune à exposer au Salon, avec en 1810 une Atala mourante pour laquelle il reçut une médaille; il est alors élève de Jacques-Louis David.
Après des portraits et des scènes de bataille au début de sa carrière, il se spécialisa ensuite dans des scènes de genre rustiques: représentations de matelots à terre, scènes paysannes et de chasse… ces dernières le rendant très populaire grâce à leur diffusion par la lithographie. Il reçut des commandes de Louis-Philippe pour la galerie des Batailles de Versailles, et Napoléon III lui acheta des tableaux de chasse au Salon de 1857.
Fils d’un ancien colon de Saint-Domingue (qui fut probablement acteur), il effectua des voyages en Espagne et en Italie. Ses deux enfants furent également peintres et exposèrent au Salon à partir de 1857.

Son style, parfois assez proche de celui de Leprince, est assez facilement reconnaissable. La critique évoquait « un coloris brillant, une touche libre des fonds légers et frais de ton« , et Charles-Paul Landon écrivait en particulier: « une naïveté d’expression qu’il sait conserver à ses personnages,…, exécution aimable, simple et facile, …, couleur, sinon toujours forte, du moins toujours vraie » . Certains de ses confrères, comme Remond, firent appel à lui pour réaliser les figures de leurs tableaux.

Le thème des matelots est récurrent chez lui autour de 1825. En 1822, il peint ainsi Deux matelots sur le bout d’une jetée (Salon de 1822), et un Groupe de marins (Salon de 1824, acquis par la duchesse de Berry); là encore la critique parle du « caractère simple et naïf qui fait le mérite du tableau de Monsieur Grenier » . Une Vue de la rade du Havre par un temps de brume (Salon de 1824). Il réalise aussi des lithographies (comme Matelots normands et bretons) sur ce sujet vers 1826/1827.
Sur cette même thématique, notre très raffiné petit tableau fut exposé au Salon de 1824, qui ouvrit ses portes le 25 août, et où Grenier ne présentait pas moins de douze oeuvres.

Le premier acquéreur du tableau, le lyonnais Claude Schroth, était un important marchand et expert, avec un goût marqué pour les peintres de l’école anglaise (Bonington et Constable essentiellement), les tableaux de genre et des artistes comme Haudebourg-Lescot ou encore Rioult, mais également pour les paysages; à ce Salon de 1824, Schroth acquit par exemple un tableau de Michallon et un de Watelet. D’abord marchand d’estampes établi à Paris au 18 rue de la Paix, il s’était ensuite lancé dans la vente de dessins et tableaux, spécialité qu’il dut abandonner en 1826, faute de capitaux, suite au krach; il se consacra dès lors uniquement aux estampes et à l’expertise en vente publique.
Sa principale cliente était la duchesse de Berry, dont il était le marchand breveté.
L’oeuvre figure dans l’album « Galerie de son Altesse Royale Madame la duchesse de Berry » (publié sous la direction de Féréol Bonnemaison), où elle est reproduite en lithographie (en sens inversé) d’après un dessin de Bellay reprenant le tableau. Voici une partie du commentaire qui l’accompagne: « Parmi les cadres charmants de M. Grenier qui ornaient récemment les salles du Louvre, il en est un qui n’offre qu’une seule figure sur le premier plan: c’est Un matelot appuyé contre une palissade. Dans le fond, et sur le rivage de la mer, on aperçoit un autre matelot qui s’entretient avec une jeune femme. Cette figure n’est à vrai dire qu’une figure d’étude, mais elle est touchée avec autant de vigueur que d’esprit... »
La duchesse emporta le tableau avec elle dans sa résidence vénitienne d’exil, le palais Vendramin, situé sur le Grand Canal; l’oeuvre fut vendue en 1865 avec l’ensemble des peintures (plus de 550) qui composaient la décoration de ce lieu.