Nicolas GOSSE

Louis XI aux pieds de Saint François de Paule


Nicolas-Louis-François GOSSE (1787, Paris – 1878, Soncourt)
Louis XI aux pieds de Saint François de Paule
Huile sur toile
68 x 90 cm
Circa 1844
Oeuvre en rapport: tableau exposé au Salon des Beaux-Arts de 1844 sous le N°830


Notre tableau est une version autographe du tableau exposé au Salon de 1844 et mentionné dans la collection de Napoléon III en 1858, qui illustre un épisode historique survenu le 24 avril 1483 lorsque Louis XI, dangereusement malade, crut que Saint François de Paule pourrait le guérir.

Il existe à ce jour trois autres versions autographes connues de cette composition. La première (64 x 86 cm) appartient aux collections du Louvre, en dépôt au château de Loches. La deuxième (66 x 86,5 cm, datée 1843 ; acquisition vente publique du 27/09/2008 à Montluçon), vraisemblablement la version exposée au Salon, est conservée au Musée Anne de Beaujeu de Moulins. Une troisième se trouve dans une collection particulière.
Le catalogue du Salon, pour décrire la scène, reprenait un écrit de Philippe de COMMINES :

« Vers la fin de sa carrière, Louis XI dangereusement malade crut que Saint François de Paule pourrait le guérir; sur ses instances et celles du pape, le saint décide de quitter sa retraite et se rend au château de Plessis-les-Tours, avec ses disciples, où le roi, soutenu par sa fille Anne de Beaujeu, qu’il appelait son ange, et Jacques Coictier, son médecin, se jette à ses pieds et lui dit en levant vers lui les yeux suppliants :
– Mon père, ayez pitié de l’état où je suis, et rendez-moi la santé. – Je le voudrais, répondit le saint homme, mais je ne suis rien sur la terre qu’un pauvre pécheur comme vous, Dieu seul peut tout !
Derrière le fauteuil du roi se trouvent Olivier le Daim et Tristan-l’Hermite, grand-prévost ; en avant Galeotti, astrologue et guerrier célèbre, et près de lui le vieux lord Crawford, chef des archers de la garde écossaise.
Pendant sa maladie, notre roi ne portait que robes de satin et de velours cramoisi, fourrées de bonnes martres
».

L’accueil favorable du public et de la critique est confirmé par l’active « salonnière » Alida de Savignac (1790-1847), dans le deuxième article (publié en mai 1844) de ceux consacrés au Salon des Beaux-Arts dans le conservateur « Journal des Demoiselles » :
« Voilà un bon tableau de chevalet, où l’intérêt du sujet ajoute au mérite de l’exécution.
Vers la fin de sa vie, Louis XI, tremblant devant le compte qu’il avait à rendre à Dieu d’une vie si peu chrétienne, pensa que les mérites de saint François de Paule pourraient obtenir du ciel qu’il retardât au moins l’heure du Jugement.
Ce monarque cruel et despote, mais pourtant croyant, se prosterne aux pieds du saint dont toute la vie fut consacrée au soulagement des misères de l’humanité ; il veut que le bien, fait par François de Paule, serve de compensation à ses crimes politiques, à lui, Louis XI. Tous les hommes sont, pour le saint, des frères, des fils, des pères… Le roi, qui a été mauvais fils, frère cruel, père indifférent, maître impitoyable, a, comme vous le voyez, plus d’un marché à lui offrir… Le saint exhorte le roi à travailler lui-même à sa réconciliation avec Dieu. Auprès du moribond agenouillé sont les seuls êtres qu’il aime, parce qu’il reconnaît pour lui leur utilité : ce sont Mme de Beaujeu, sa fille, dont la main habile doit affermir la couronne sur la tête débile du jeune Charles ; Coictier, le médecin, et le prévôt Tristan, exécuteur des hautes œuvres. Toutes ces figures ont le caractère que leur assigne l’histoire, sans pour cela sortir des voies de la nature.
C’est ainsi qu’il faut traiter le genre épisodique, conquête nouvelle, et qui ferait beaucoup d’honneur à l’école française si elle nous offrait souvent des tableaux du mérite de celui de M. Gosse
».

La mise en scène très théâtrale de la composition regroupe ainsi les principaux membres de l’entourage du roi de France, avec de gauche à droite :
Lord Crawford, en armure, le chef des archers de la garde écossaise.
Galeotti, vêtu de rouge, l’astrologue de Louis XI.
François de Paule, vêtu de sa bure.
Jacques Coictier (1430-1506), debout derrière Louis XI, médecin à partir de 1466 du roi, sur lequel sa grande influence lui permit d’acquérir une fortune colossale.
Anne de Beaujeu, duchesse de Bourbon (1461-1522), la fille de Louis XI et de Charlotte de Savoie ; elle assure la régence de 1483 à 1491.
Le Dauphin, futur Charles VIII (1470-1498), alors âgé de 13 ans.
Olivier Le Daim (1428-1484), un flamand né Olivier de Neckere ; d’abord simple valet de chambre du roi, celui-ci l’anoblit (Comte de Meulan), le nomme capitaine de la prison royale du château de Loches ; conseiller devenu très puissant, on l’accuse de nombreuses exactions, vols, meurtres… (d’où son surnom de « Le Mauvais »), qui lui valent d’être pendu au gibet de Montfaucon peu de temps après la mort du roi.
Tristan L’Hermite, grand prévôt, militaire et exécuteur des hautes œuvres du roi ; il forme avec Olivier Le Daim un tandem de l’ombre redoutable. La date présumée de sa mort, 1479, avec une naissance aux alentours de 1410, présente une incohérence historique avec la description de la composition ; en 1483, il n’est en principe plus de ce monde, et s’il l’était, il aurait plus de 70 ans, la physionomie du personnage à l’extrême droite étant beaucoup plus jeune.

L’ermite François de Paule (1416-1517) fut une des figures les plus marquantes de la vie religieuse du XVème siècle. Fondateur de l’ordre des Minimes à 19 ans, il se vit accorder leur reconnaissance pontificale en 1474. Les miracles qu’on lui attribue alors expliquent l’empressement de Louis XI à le rencontrer. Après la mort du roi le 30 août 1483, Saint François de Paule resta en France, où il fut protégé par Charles VIII, et mourut dans le monastère qu’il avait fondé à Plessis-les-Tours

Probablement initié par le succès en 1832 de la tragédie « Louis XI » de Casimir Delavigne, le personnage de Louis XI semble être une figure à la mode dans cette période où le style troubadour, sur le déclin, privilégie progressivement le côté historique pur et dur au détriment du genre anecdotique et aimable. Ceci s’inscrivant logiquement dans la revalorisation du glorieux passé historique de la France voulu par Louis-Philippe, et qui se concrétise par la création du Musée de l’Histoire de France à Versailles.
Louis XI apparaît ainsi dans le tableau du Salon de 1834 de Charles-Auguste Van den Berghe (environ 1,85 x 1,50 m), Louis XI et Quentin Durward (vente Sotheby’s New-York, 1999), dans celui de Jacques-Joseph Lecurieux du Salon de 1835, Derniers moments de Louis XI, dans le tableau (1,20 x 1,80 m) du Salon de 1839 de Claudius Jacquand, Louis XI à Amboise, surprenant la Reine apprenant à lire au Dauphin contre sa volonté (collection particulière, vente Bonham’s), dans celui du Salon de 1840 de Pierre Révoil, La donation de la Provence à la France (Musée Granet à Aix).

Elève de François-André Vincent, qui lui enseigna notamment la précision du dessin et le rendu brillant de sa peinture, Nicolas Gosse exposa au Salon de 1808 à 1870, obtenant une médaille de troisième classe en 1819 et une médaille de deuxième classe en 1824. Ses talents et sa proximité avec les familles royales lui valurent la Légion d’Honneur (Chevalier en 1828, Officier en 1870).
Artiste à la facture lisse et léchée, il est essentiellement connu pour ses grandes compositions historiques relatant des épisodes du 1er Empire, ainsi que pour ses tableaux de style « Troubadour ». Il réalisa aussi de nombreux portraits, particulièrement pour les Orléans mais aussi pour une clientèle privée, ainsi que des scènes liées à l’histoire contemporaine de l’époque. Il ne négligea pas pour autant la peinture religieuse, avec des œuvres pour des églises comme Saint-Etienne du Mont ou Saint-Nicolas du Chardonnet.
Au début de sa carrière, il intervint comme décorateur à l’Opéra, à la même période que Daguerre avec qui il était très ami, et dont il exécuta le portrait (ainsi que celui de sa femme) en 1815. Il réalisa aussi des bas-reliefs et des voussures au Louvre, et sous le second Empire, il participa à la décoration de l’hôtel du ministre des affaires étrangères (Quai d’Orsay), en peignant notamment les dessus de porte du Salon de l’horloge
Il fut également professeur à l’académie des Beaux-Arts.