Etienne BOUHOT

Intérieur de la chapelle de la Vierge de l’église Saint-Sulpice


Etienne BOUHOT (1780, Bard-lès-Epoisses – 1861, Semur-en-Auxois)
Intérieur de la chapelle de la Vierge de l’église Saint-Sulpice
Huile sur toile
27 x 22 cm
Signée et datée en bas à gauche sur la base de la colonne
1821
Oeuvre en rapport: tableau exposé au Salon de 1822 sous le N°145
Expositions:
– Exposition de la ville d’Arras (25 août – 15 septembre 1822), sous le N°50, titré: Esquisse terminée, Chapelle de la Vierge à Saint-Sulpice, à Paris
– « De Pierre et de Coeur » – Juin 1996 – Mairie du 6ème arrondissement de Paris
Provenance: ancienne collection Le Pavec (Paris 16ème)


Cet émouvant et raffiné petit tableau est le modello de l’oeuvre du Salon de 1822, exposée sous le N°145, et acquise par Louis XVIII pour ses collections. Il a lui-même été exposé au Salon d’Arras de 1822 sous le N°50.

Originaire de Bourgogne, Etienne Bouhot, après une expérience de peintre décorateur pour des châteaux appartenant aux Bonaparte, se forme à Paris chez Prévost, l’inventeur des « panorama »; aux côtés de Charles-Marie Bouton, il y acquière la science de la perspective, la rigueur topographique, et la précision des architectures. Sa facture est léchée, méticuleuse, et donne à ses tableaux le rendu porcelainé des oeuvres hollandaises du XVIIème siècle et en particulier de l’Ecole de Leyde. Il expose avec grand succès au Salon à partir de 1808 (Vue de la place Vendôme), et se spécialise dans les vues urbaines parisiennes, lumineuses, vivantes et pittoresques, grâce à la présence de nombreux petits personnages. Après la chute de Napoléon, il est un des peintres préférés du duc d’Orléans et de la duchesse de Berry.
En dehors du Salon, il participe régulièrement à d’autres expositions à Paris et en province, et forme quelques élèves, dont le plus connu sera Alexandre Decamps. La mort accidentelle en 1823 de son fils aîné Philibert (19 ans), puis celle de son autre fils en 1834, le marquent profondément, et il préfère alors se retirer dans le Semur de sa jeunesse. En 1834 il y est nommé directeur de l’Ecole de dessin; il y consacre la fin de sa carrière, entre la création du musée de Semur et l’envoi régulier de tableaux au Salon, essentiellement des vues de la région bourguignonne. Mais son heure de gloire est passée.
Il trouve la mort à 82 ans en exerçant son métier, à la suite d’une chute d’échafaudage.

Paul Marmottan, dans L’école française de peinture 1789-1830, loue hautement les mérites de Bouhot, et le classe stylistiquement dans le même groupe d’artistes que Demachy, Clérisseau, Hubert Robert ou Bouton. Il en fait « le Canaletto de l’école française du XIXème siècle » et juge que « ce maître, un des Raguenet de son époque, est intéressant pour l’histoire de Paris » .
Bouhot est également salué dans les Bulletins de la Société de l’histoire de Paris, en 1888 et 1900: il y est considéré « comme un des peintres qui nous ont conservé les meilleures vues de Paris » .

1822 correspond pour Bouhot à l’apogée de sa carrière, à la fois auprès du public et de la critique. Au Salon qui s’ouvre le 24 avril, il est alors domicilié au 228, rue Saint-Martin (tout comme en 1817 et 1819), il présente 4 tableaux (N°145 à 148); L’Intérieur de la chapelle de la Vierge de l’Eglise Saint-Sulpice, toile de grandes dimensions (1,59 x 1,17 m), y fait figure de chef-d’oeuvre et est acquise par l’Etat pour être placé au Palais du Luxembourg.
Les Annales de la Littérature et des Arts de 1822 parlent ainsi du tableau: « … peint avec la plus grande vérité. L’illusion est complète, et peut-être l’art ne pourrait aller plus loin, si l’artiste eût tiré un effet plus pittoresque de la lumière, qui n’a point une direction assez marquée. »
Reflet de son succès encore une dizaine d’années plus tard, la composition est gravée à l’eau-forte par Nicolas-Auguste Leisnier (1787-1862) et exposée au Salon de 1831 (section Gravure) avec le titre Vue perspective de la chapelle de la Vierge à Saint-Sulpice, d’après le tableau de M. Bouhot.
On sait qu’en 1842, le tableau est accroché au château de Saint-Cloud (sous le N°187) dans le salon de Service des appartements de la duchesse d’Orléans; à ses côtés se trouve une oeuvre d’Hippolyte Lecomte, Jeanne d’Arc reçoit une épée des mains de Charles VII.
Il entre ensuite dans les collections du musée du Louvre, qui le dépose en 1876 au musée Carnavalet, avant l’ouverture de celui-ci au public en 1880.
Aujourd’hui le tableau (INV 2753 / L3832) se trouve dans les réserves de Carnavalet, dans un très mauvais état, son encrassage et son assombrissement bitumeux rendant sa lecture difficile.

Autant la peinture du Salon était assez exceptionnelle dans l’oeuvre de Bouhot de par ses dimensions (probablement son plus grand tableau), autant le modello, par son format et sa précision, correspond peut-être davantage à l’esprit hollandisant des petits tableaux de cabinet que Bouhot produisit en nombre.
Notre oeuvre est d’ailleurs mentionnée pour elle-même dans le tome 2 de la Galerie de son Altesse Royale Madame la duchesse de Berry qui paraît en 1822: « le peintre possède une esquisse terminée et d’un travail exquis de ce beau tableau, qui, au Salon de 1822, réunit tous les suffrages. »
On y retrouve son goût pour les architectures, et son sens du détail sur les éléments du décor, tous bien lisibles malgré la petite surface: les 4 grands chandeliers, les dorures, le veinage des marbres, la fresque du plafond – l’Assomption de la Vierge– peinte par François Lemoyne en 1730/1732 (où l’on arrive même à reconnaître le curé Monsieur Olier, rajouté dans la composition par Antoine Callet en 1777 lors d’une restauration suite à l’incendie de 1762; Callet y rajouta d’ailleurs une dizaine de personnages, et la compléta même par une sous-coupole).
Bouhot nous fait fidèlement ressentir l’atmosphère spirituelle de la chapelle, à la fois impressionnante et émouvante de recueillement et de silence, à peine troublée par le mouvement de la petite fille attirée par le mendiant; celui-ci situe l’oeuvre dans son époque, en évoquant les estropiés des campagnes napoléoniennes.
L’ambiance et le décorum religieux, la présence de la soeur en prière, la facture léchée, nous permettent de pouvoir intégrer ce petit tableau dans l’esthétique « troubadour », même en l’absence de références au passé médiéval ou Renaissance qui caractérise ce courant artistique.
Heureux hasard, la forme en arcade de la niche (conçue par Charles de Wailly en 1774) de la chapelle rappelle celle des porches, portes ou ouvertures qu’utilise très souvent Bouhot pour structurer ses compositions.

La construction (ou plutôt l’agrandissement de l’église déjà existante) de Saint-Sulpice fut impulsée par Jean-Jacques Olier (1608-1657), le curé de la paroisse. Mais les constructions principales eurent lieu dans les années 1720, période à laquelle la décoration de la chapelle de la Vierge commença réellement, dans un esprit plutôt baroque.
Nous avons évoqué la fresque de la coupole, réalisée par François Lemoyne avec l’aide de son élève, le futur portraitiste Donat Nonotte. Plus tard, les 4 peintures murales des côtés furent l’oeuvre de Carle Van Loo. Les frères Slodtz sculptèrent les décors en bois et stuc dorés. Jean-Baptiste Pigalle ajouta vers 1777 la statue en marbre blanc de la Vierge à l’enfant écrasant le serpent, placée dans la niche imaginée par son neveu et élève Louis-Philippe Mouchy.