Ennemond COLLIGNON

Intérieur d’un ménage d’artistes

Granet, Padre Pozzo peignant
Granet, L'atelier de l'artiste

Ennemond COLLIGNON (Paris, 1822 – Paris, 1890)
Intérieur d’un ménage d’artistes
Huile sur toile
24,5 x 32,5 cm
Signée et datée en bas à gauche
1843
Expositions :
– Salon de Paris de 1845, sous le numéro 343
– Probablement Salon de Paris de 1844, sous le numéro 384, titré Intérieur d’atelier


Les ateliers sont parfois représentés sans l’artiste, avec juste les tableaux, l’ameublement et les accessoires ; mais on trouve souvent des représentations avec l’artiste au travail, seul ou accompagné de ses élèves ou d’un modèle. Ici le titre de l’œuvre est ambigu : le ménage d’artistes est-il composé d’un couple d’artistes ou simplement d’un artiste masculin en compagnie de sa femme ? Quoiqu’il en soit, il s’agit d’une vision intimiste de ce lieu situé sous les toits, dans lequel on trouve une accumulation de détails réalistes meublant cet humble logis : poteries, fleurs, feuilles, châssis entoilé, palette, dispersés sur le sol, boîte de couleurs… L’artiste choisit de représenter un moment de pause, où le temps semble s’être arrêté.
La femme tourne le dos au spectateur, plongée dans la lecture d’un livre d’heures, quant à l’homme il fume tranquillement le chibouk, assis à même le sol. La lumière intense qui pénètre par la baie centrale, avec sa charge symbolique de purification et d’émanation de l’âme, donne une touche presque lyrique à l’ensemble.

Ennemond Collignon est un élève de Delaroche et surtout de Granet, dont il s’inspire fortement, en début de carrière, du goût pour les effets de clair-obscur et les éclairages canalisés par une fenêtre, pratiqués par les artistes hollandais du XVIIème siècle. Granet était par ailleurs un adepte du sujet des ateliers d’artistes. Le Journal des Artistes souligne cette proximité avec Granet à l’occasion du Salon de 1841, où Collignon présente un autre Intérieur d’atelier (numéro 374 du livret) : « … tableau traité à la manière de Monsieur Granet ; la lumière est savamment répandue dans cet intérieur, touché et peint avec une extrême facilité. Monsieur Ennemond Collignon est un de ces artistes chez lesquels la verve déborde, et qui pourrait faire un grand tableau quand il le voudra ». Ce tableau est peut-être le même qu’il avait exposé à Paris l’année précédente (numéro 289 du livret), et qu’il exposera au Salon d’Angers de 1842.

Dans notre tableau, nous retrouvons des détails quasi identiques dans des œuvres de Granet : les carreaux de terre cuite (L’atelier de l’artiste, musée des Beaux-Arts de Marseille), les poutres et la configuration de la fenêtre (Padre Pozzo peignant, Salon de 1839).
A compter de 1845, Collignon se tourne vers le genre du portrait, avant de se spécialiser dans la peinture de décor autour de 1860, sous l’influence et les conseils de Delacroix. Il réalise par exemple des plafonds pour le Tribunal de Commerce de Paris, l’hôtel Nissim de Camondo, le château de Chaumont sur Loire… A titre plus anecdotique, il possédait depuis 1880 une maison à Vétheuil, qu’il aurait laissée quelque temps à la disposition de Claude Monet.