Edouard DUBUFE

Portrait de jeune homme à Naples

Guillaume Cottrau
Teodoro Cottrau

Edouard DUBUFE (1819, Paris -1883, Versailles)
Portrait de jeune homme à Naples, Teodoro Cottrau
Pastel et fusain
22 x 17,5 cm
Signé du monogramme, daté et situé en bas à droite
1852
Provenance: famille Cottrau


Elève de son père Claude-Marie et de Paul Delaroche, Edouard Dubufe se spécialise véritablement dans le portrait à partir de 1845. Avec Winterhalter, il devient le portraitiste qui représente les plus grandes personnalités de l’époque, notamment Eugénie et Napoléon III.
Un peu comme pour Drouais au siècle précédent, une bonne partie de la critique et de ses confrères lui reprochèrent, surtout à partir de 1850, de trop idéaliser et flatter ses modèles, que ce soit au niveau du visage ou des riches et brillantes tenues dont il les affublait. Chennevières l’appelait d’ailleurs le « Roslin aux belles étoffes de notre temps » ; on parlera aussi de « Dubuferies » , ou encore comme Zola un peu plus tard, de « crèmes fouettées » .

Après avoir partagé son temps entre Londres et Paris entre 1849 et 1851, où il s’installe en octobre au 15, rue d’Aumale dans le quartier de la Nouvelle Athènes (actuel Paris 9ème), Edouard Dubufe séjourne à Naples au début de 1852, sans que nous connaissions la date exacte de son arrivée.
Selon son livre de comptes (dont Monsieur Emmanuel Bréon nous a aimablement fourni une copie), il y peint une douzaine de portraits: nous y notons en particulier un Portrait de la Princesse Camporeale, pour 1 800 Francs. Il s’agit de Laura Acton, qui avait épousé en 1847, à Naples, Domenico Beccadelli de Bologne, Prince de Comporeale (1826, Palerme – 1863, Paris). Dubufe aurait ainsi pu, en « pendant » du portrait peint de la Princesse, réaliser un dessin du Prince, dont l’âge de 26 ans aurait pu être celui du jeune homme de notre portrait.
Une autre possibilité correspond en fait à la réalité. Le papier début XXème permettant le montage du dessin porte le nom de Cottrau, 29 avenue Henri-Martin (dans l’annuaire de 1910 de la Société des Amis du Louvre figurent effectivement à cette même adresse Lucien Cottrau et Marcel Cottrau). Le livre de comptes de Dubufe indique en 1851 la réalisation du Portrait de Mr et Mme Cottrau; les Cottrau étaient une famille française établie à Naples depuis le début du XIXème siècle, à l’époque où Murat devint roi de Naples. Ce portrait de 1851 est certainement celui du peintre Félix Cottrau (1799-1852), qui avait quitté Naples en 1829, et qui fut notamment professeur de dessin de la reine Hortense, et accessoirement son amant. Le frère de Félix, le musicien Guillaume Cottrau (1797, Paris – 1847, Naples), avait quant à lui passé toute sa carrière à Naples, et y avait eu plusieurs fils, dont les trois aînés Teodoro (1827-1879), Felice (1829-1887) et Giulio (1831-1916), tous musiciens eux-aussi. Notre portrait est celui d’un des trois neveux du peintre Cottrau, et presque à coup sûr celui de Teodoro. Il existe un autre portrait au pastel, représentant Teodoro, mais de profil, conservé par les descendants Cottrau en Italie; mesurant 20 cm de diamètre, il est signé « Edouard Dubufe », situé à Naples, daté de 1852, et dédicacé « A Madame Cottrau » (Giovanna Cerillo, la femme de Guillaume et mère de Teodoro). Ces portraits dessinés furent probablement réservés au cercle familial et réalisés à titre amical, car ils ne figurent pas dans les comptes de Dubufe.
Fréquentant la « colonie » française ou francophile de Naples et connaissant la famille Cottrau, il n’est donc pas étonnant que Dubufe ait pu réaliser un portrait d’un de ses membres. Romantique à souhait, ce beau jeune homme au regard noir est exécuté dans un style qui rappelle certains portraits de Delaroche; plus particulièrement, la facture est très proche du portrait au pastel et fusain du beau-père d’Edouard Dubufe, le pianiste Pierre Zimmermann, daté 1849.
En raison du succès que rencontrent ses tableaux au Salon de 1852, qui s’ouvre le 1er avril, Dubufe doit rentrer à Paris, où il arrive, selon le Journal des Débats politiques et littéraires, le 5 mai. Nous pouvons donc affiner la datation de notre dessin entre janvier et avril 1852.