Auguste DESMOULINS

L’abdication de Marie Stuart au château de Loch Leven

Esquisse du tableau du Salon de 1831

Auguste-François Barthélemy DESMOULINS (1788, Paris -1856)
L’abdication de Marie Stuart au château de Loch Leven le 26 juillet 1567 
Plume et lavis d’encre brune
21,5 x 27 cm
Signée en bas à gauche
Circa 1831
Provenance: album amicorum de la duchesse de Raguse
Oeuvres en rapport:
Marie Stuart dans sa prison, au château de Loch Leven, tableau de Desmoulins (acheté par M. Perreau) exposé sous le N°563 au Salon de 1831
– Esquisse préparatoire (collection particulière) de ce même tableau, huile sur toile, 40×32,5 cm, N°21 du catalogue de l’exposition « Marie Stuart, une figure romantique? » au musée des Beaux-Arts de La Rochelle (16/10/2009 – 18/01/2010)


Auguste-François Desmoulins fut essentiellement un peintre d’histoire, qu’il traita sous un angle « troubadour » comme avec notre composition, ou bien avec un côté plus « historicisant » comme avec les grandes peintures qu’il réalisa pour le musée de l’histoire de France au château de Versailles.
Domicilié 33, rue d’Hauteville à Paris, il exposa au Salon à partir de 1819 jusqu’en 1845, et obtint une médaille en 1822.

La scène représente le moment où Marie Stuart, retenue prisonnière dans sa chambre dans une tour de l’austère château de Loch Leven près d’Edimbourg, est forcée de signer les deux actes de son abdication par Lord Patrick Lindsay, Lord William Ruthven et Sir Robert Melville, menés par le comte de Murray, chef du parti protestant, demi-frère de Marie Stuart (qui devient régent d’Ecosse par cette abdication).
La reine, avec une expression de douleur, relève la manche gauche de sa robe en faisant voir les marques violettes que les doigts de Lindsay ont imprimé sur son bras, et dit: « Je prends à témoins tous ceux qui se trouvent dans cette chambre, qu’en apposant ici ma signature, je ne fais que céder à la violence. »
On reconnaît aisément Lindsay en armure, un homme rude, grossier et à la barbe sombre; le personnage aux cheveux blancs est peut-être Robert Melville, ancien conseiller de Marie Stuart, fin, intelligent, prudent et de caractère conciliant; Murray, un homme digne, ferme et décidé, est probablement le protagoniste qui désigne avec autorité les deux actes, le plus intéressé dans l’affaire.
Derrière Marie Stuart se tient son entourage, avec possiblement: en blanc, Catherine Seyton, sa suivante âgée de 16 ans; en sombre, une autre de ses suivantes, Marie Fleming, qui ne s’intéresse qu’aux coiffures et aux vêtements; Roland Graeme, son jeune page âgé de 17 ans.

Entre l’esquisse exposée à La Rochelle en 2009 et notre dessin existent plusieurs différences: format vertical vs horizontal, physionomie de plusieurs personnages, absence de la figure présumée de Catherine Seyton, orientation du regard de Marie Stuart… ; la base de l’organisation de la composition est cependant similaire.

Comme l’explique Nicole Cadène dans sa thèse de 2002, « le personnage de la veuve de François II de Valois devenue reine d’Ecosse (1542-1587) et son sort tragique connaissent entre 1820 et 1850 un véritable engouement auprès du public français : une partie de l’opinion trouve là en effet l’occasion d’opérer un processus d’identification entre ce personnage du XVIe siècle et des héroïnes plus proches dans le temps. La reine déchue et captive puis décapitée est d’abord identifiée à Marie Antoinette. Mais à partir de 1820 c’est surtout au personnage bien vivant de Marie Caroline, duchesse de Berry, qu’est associée la figure de la reine d’Ecosse. »
La pièce de Schiller « Marie Stuart » et surtout le roman de Walter Scott « L’Abbé » (centré sur le personnage du jeune page Roland Graeme) qui parait le 2 septembre 1820, expliquent la multiplication des oeuvres littéraires (théâtrales surtout) et des représentations iconographiques à partir de 1820.
Ainsi, au Salon de 1833, quatre tableaux mettaient en scène des épisodes de la vie de Marie Stuart dont deux, son abdication à Loch Leven (tableaux d’Alphonse Lavauden, sous le N°1460 – 1,65 x 2,13 m, conservé au musée Sainte-Croix de Poitiers, et de Louis-Henri Hautier, sous le N°1217 – 75,5 x 65,5 cm, collection particulière). Auparavant, des artistes comme Eugène Deveria (1826) ou Abel de Pujol s’étaient confrontés au sujet.
Marie Stuart à Loch Leven fut encore illustrée dans les tableaux de Salon suivants:
– Gustave Mailand (1810-?), Marie Stuart au château de Loch Leven, 0,85 x 1 m, N°1279 du Salon de 1836
– Louis Rubio (?-1882), Marie Stuart au château de Loch Leven, 92 x 75 cm, N°1613 du Salon de 1837
– Henri Valton (1810, Troyes – 1878), Marie Stuart fuyant du château de Loch Leven, 1,60 x 2 m, N°1720 du Salon de 1838

Il est à noter qu’il existe tout de même des exemples d’iconographie artistique sur le thème de Marie Stuart en dehors de cette période 1820-1850. Ainsi, dès les années 1780, Fragonard avait exécuté une petite peinture (32 x 24 cm, vente Christie’s Londres, 05/07/2011) illustrant cet épisode de l’abdication; encore plus tôt, le britannique Gavin Hamilton peignait en 1776 une abdication aujourd’hui dans les collections de l’Université de Glasgow. A contrario, Eugène Lami réalisait tardivement, en 1865, une gouache sur le même thème (23 x 31 cm, vente Tajan, 09/04/2008) aujourd’hui conservée au musée des Beaux-Arts de La Rochelle.