Charles MERME (1818, Cherbourg – 1869, Lorient)
La bénédiction des Coureaux à Larmor (Bretagne)
Huile sur toile
60 x 100 cm
Signée et datée en bas à gauche
1869
Exposition: Salon de Paris de 1869, sous le numéro 1693, titrée Le village de Laror (sic), le jour de la bénédiction des Couraux (sic) (Bretagne)
Capitaine d’artillerie dans la Marine, Charles Mermé parcourut toutes les mers du monde; il visita en particulier la Méditerranée, les Comores, et resta en poste en Guadeloupe de 1863 à 1865. Quinze ans plus tôt il avait effectué une escale de plusieurs années à la Réunion.
De nombreux paysages luxuriants ramenés de ses voyages sont aujourd’hui conservés dans plusieurs musées français, et très logiquement, on retrouve son attrait pour la mer dans la grande majorité de ses compositions. Peintre amateur puisque officiellement marin au quotidien, il exposa au Salon dès 1843, jusqu’à l’année de sa mort en 1869, ce qui fait de lui un véritable artiste.
C’est d’ailleurs à cette édition de 1869 que Mermé exposa notre grande toile bretonne, mais post-mortem; il fut effectivement terrassé, un mois avant l’ouverture du Salon, par un anthrax foudroyant (fièvre charbonneuse). La notice nécrologique du Monde Illustré fait allusion à notre tableau : « … il venait d’envoyer au jury deux nouvelles toiles, qui ne peuvent manquer d’être remarquées » , et rappelle ses mérites : « Il excellait à rendre les horizons du matin, et ses ciels avaient un éclat et une transparence que peu de peintres ont su rendre avec autant d’habileté et de finesse » .
Reconnu par l’Académie des Beaux-Arts, Mermé bénéficia des leçons de Prosper Marilhat et Théodore Rousseau, et participa à différents salons régionaux où il exposait, comme à Paris, des œuvres inspirées par ses différents voyages, mais où la Bretagne est régulièrement présente.. A l’occasion du Salon de 1859, Le Monde Illustré lui octroyait une critique bienveillante : « … la transparence de ses eaux, la vigueur et la richesse de ses premiers plans, la légèreté de ses fonds et la profondeur de son ciel font de cette étude simple et vraie un précédent qui engage l’avenir de M. Mermé. Nous le retrouverons très certainement à la première exposition, plus sûr de lui, luttant avec les plus forts, et ayant acquis la difficile sympathie du public. » .
Charles Mermé réalise ici une toile assez grandiose représentant l’incontournable fête religieuse et maritime qui se déroule à la saint Jean (24 juin), près de Lorient. Sur la plage de Port Maria, à Larmor, s’avance vers la jetée une procession qui embarque dans différents navires pour rejoindre un point central entre les communes de Ploemeur, Larmor, Port-Louis et Gâvres, en direction de l’île de Groix plus au sud. Cette zone donne accès au port de Lorient et est nommée « Coureau de Groix ». Elle est redoutée des navigateurs en raison de la force importante des courants, particulièrement lors des grandes marées. Ce sont ces courants dangereux que le clergé des cinq communes (y compris celle de Groix) vient bénir en pleine mer, pour la sécurité des marins et la qualité de leur pêche.
En 1843, Marteville et Varin décrivent cette bénédiction avec quelques oublis, mais le ton est donné : « C’est là que l’on fait la pêche de sardine la plus abondante de toutes nos côtes. C’est là aussi que se fait solennellement chaque année, le jour de la Saint-Jean, la bénédiction de la pêche. Ce jour-là la population de Groix, clergé et bannière en tête, monte dans ses bateaux et gagne le milieu du coureau. De son côté, la population de terre ferme, partie du village de l’Armor avec le clergé de Ploemeur, arrive à force de rames. Les clergés se réunissent sur une seule barque ; les deux croix paroissiales s’inclinent alors l’une vers l’autre et s’embrassent. À ce signal les chants de marins éclatent à l’unisson et ne cessent que lorsque le recteur de Ploemeur se lève sur un des bancs de rameurs, et d’un geste paternel impose le silence à cette foule bruyante. Les prières remplacent les chants, l’eau bénite est lancée aux quatre points cardinaux, et le silence est tel qu’on entendrait cette eau tomber dans la mer. Chaque matelot prie en son cœur et implore le ciel avec ferveur pour qu’il rende abondante la pêche qui doit donner l’existence à toute sa famille. Enfin les prières cessent, les bannières s’inclinent de nouveau, les deux clergés se séparent ; les chants recommencent et les barques retournent au port où de nombreuses libations viennent terminer cette journée et lui enlever son splendide et sublime caractère. »
Notre toile dépeint fidèlement ce départ de la terre-ferme où les curieux restent sur les rochers pour s’enivrer de ce spectacle visuel et sonore, que certains vont même regarder avec une lunette. Familles bourgeoises au plus près de l’eau, marins ou paysans plus en retrait.
Sept ans plus tôt, Charles Mermé en avait réalisé une autre version, reproduite dans Le Monde Illustré.