Charles-Marie BOUTON

Cathédrale de Chartres, le déambulatoire


Charles-Marie BOUTON (Paris, 1781 – Paris, 1853)
Cathédrale de Chartres, le déambulatoire
Huile sur toile d’origine (Haro, 30 rue du Colombier, Faubourg Saint-Germain)
21 x 16 cm
Vers 1832
Oeuvre en rapport : tableau exposé au Salon de 1833, sous le numéro 269, titré Vue de la cathédrale de Chartres, commandé par le Ministère de la Maison du Roi, pour lequel notre œuvre est préparatoire


Considéré comme l’un des premiers artistes ayant entrepris la réhabilitation de l’art du moyen-âge et de l’art gothique, avec notamment ses vues du musée des Monuments Français créé par Alexandre Lenoir, Bouton fréquenta l’atelier de David et de Jean-Victor Bertin. Mais c’est en tant qu’élève de Pierre Prévost (l’inventeur des « panorama ») qu’il acquière sa science de la perspective, aux côtés d’Etienne Bouhot.
Exposant au Salon de 1810 à 1853, ses œuvres sont entre autres acquises par Joséphine, la duchesse de Berry, Louis-Philippe ; leurs ambiances souvent sépulcrales rappellent celles de Granet ou Daguerre. C’est d’ailleurs avec ce dernier que Bouton invente en 1822 le principe du Diorama, de grandes toiles peintes très fines qui, en fonction des éclairages, permettent d’obtenir des vues différentes. Cette sorte de grand spectacle illusionniste obtint un important succès auprès du public parisien et s’exporta en Angleterre ; mais Bouton, nettement moins calculateur et « commercial » que Daguerre, ne retira que peu de gloire ou profit de ce procédé, dont il se fit assez rapidement déposséder par son associé.

Bouton réalisa quelques paysages, mais l’essentiel de son œuvre se compose de vues d’intérieurs d’églises ou de chapelles.

Notre peinture est l’une des deux intéressantes esquisses préparatoires pour des tableaux commandés en paire par Louis-Philippe en 1832, ayant pour thèmes Eu et Chartres, dont la trace est aujourd’hui perdue ; ils décorèrent successivement les châteaux de Fontainebleau, puis de Saint-Cloud, avant d’être transférés en 1853 aux Tuileries, où ils disparurent probablement dans l’incendie de 1871 (on trouvera plus bas l’historique détaillé de ces tableaux). Le choix des sujets revêt peut-être une dimension symbolique de la part du monarque, la vue de l’église d’Eu correspondant en quelque sorte au présent (il hérite du château en 1821 et en fait l’une de ses résidences), et la vue de la cathédrale de Chartres à un lien avec le passé (il fut duc de Chartres dans sa jeunesse, et Chartres lieu du sacre d’Henri IV).

Nous connaissons deux autres œuvres de Bouton ayant pour sujet la cathédrale de Chartres.
La première date de 1823 et correspond à l’un des premiers Diorama (un dispositif illusionniste à grand spectacle), peint par Bouton et réalisé avec son associé Daguerre ; elle fut également présentée à Londres en 1824, où elle reçut un accueil particulièrement enthousiaste.
La seconde, non datée, une huile sur toile de dimensions 40 x 65,5 cm, fut donnée en 1835 à la ville de Grenoble par Thomas Henry, qui l’avait acquise dans la vente Hulin de 1834.
Le Diorama et le tableau de Grenoble représentent, dans un format panoramique, le tour de chœur de la cathédrale, chef d’œuvre de sculpture flamboyante commencé en 1514, tandis que notre composition se limite à la partie gauche, davantage axée sur le déambulatoire, et adopte un format vertical.
Le Journal des Artistes d’avril 1833 remarquait favorablement le tableau du Salon de Bouton « …où un effet hardi de lumière violette, passant à travers les vitraux peints, est fort habilement rendu, ainsi que le reste du tableau, remarquable par la vérité de la couleur et la justesse des lignes » .
A ce même Salon de 1833, l’anglais James Roberts (1792-1871) présenta deux aquarelles ayant pour sujet des intérieurs de la cathédrale de Chartres, ultérieurement acquises par Louis-Philippe, qui les envoya en mai 1837 à Fontainebleau (en même temps que les tableaux de Bouton ?) pour décorer la chambre de la princesse Adélaïde au rez-de-chaussée de l’aile de la galerie François 1er.

On trouve dans les mandats de paiement de la Liste Civile, en 1832, une référence à Bouton (mandat N°517) pour « deux tableaux, galerie du château de Trianon » . Ces deux tableaux ne peuvent en principe correspondre qu’aux deux toiles (vues des églises de Chartres et d’Eu) décrites aux livrets des Salon de 1833 et 1834 comme appartenant à la Maison du Roi, mais il n’existe pas de traces de leur passage effectif à Trianon (inventaires ou documents de mouvements).
Par ailleurs, le dictionnaire Bellier de la Chavignerie indique, dans son article consacré à Bouton, un placement des tableaux au palais de Fontainebleau. Ils y arrivent en 1838, et la Notice des peintures et sculptures placées dans les cours et les appartements du palais de Fontainebleau, publiée en 1841, indique leur présence, dans le salon des appartements du second étage donnant sur le jardin anglais ; Chartres est référencé sous le N°215, et Eu sous le N°213. Précisons qu’une des chambres à coucher de ces appartements accueillait un autre tableau de Bouton, La chapelle du calvaire dans l’église de Saint Roch (Salon de 1817).
La même notice pour le château de Saint-Cloud, publiée en 1845, nous apprend qu’ils sont alors localisés dans la prestigieuse Salle du Conseil des appartements du Roi, au premier étage, référencés sous les N°138 (Chartres) et N°139 (Eu). On trouvait un autre tableau de Bouton, Vue intérieure de Saint-Etienne-du-Mont (Salon de 1842) dans le salon de service de l’appartement de la Reine.
Un document sous l’ancienne cote P12 (f° 107), « Mutations, Tuileries », mentionne un envoi de 1853, avec notamment pour Bouton, « 2 grands tableaux en hauteur » (sans précision des sujets), avec les dimensions 1 ,90 x 1,20 m (au registre des Salons de 1833 et 1834, les dimensions indiquées sont de 2 x 1,30 m pour Chartres, et 2,20 x 1,50 m pour Eu). Une mention en marge précise « Une partie de ces tableaux a été envoyée depuis Saint-Cloud sans m’en prévenir ».
En résumé, les tableaux auraient été initialement prévus pour Trianon, mais finalement déposés à Fontainebleau au moins jusqu’en 1841, puis présents à Saint-Cloud, depuis 1845 au plus tard, jusqu’en 1853, puis transférés aux Tuileries, et on peut supposer qu’ils y aient été détruits dans l’incendie de 1871…