Blanche PIERRON

La lyre brisée (d’après Charles Chaplin)


Blanche PIERRON (1853, Dijon – 1933 ?)
La lyre brisée (d’après Charles Chaplin)
Peinture sur plaque de porcelaine
25 x 16 cm
Signée en bas à droite
1875
Expositions:
– Salon des Beaux-Arts de Paris de 1875, sous le numéro 2640, titrée La lyre brisée, d’après M. Chaplin; porcelaine
– Exposition du Havre de 1875


Fille d’un ancien acteur et régisseur de l’Odéon, Eugène Pierron (1819-1865), Mademoiselle Blanche-Pauline-Virginie Pierron est considérée comme l’une des élèves les plus remarquables du peintre Charles Chaplin (1825-1891), à défaut d’être la plus célèbre, statut réservé à Madeleine Lemaire (1845-1928), « l’Impératrice des roses » .
Membre de l’Union des femmes peintres et sculpteurs, elle exposa au Salon de Paris (Palais des Champs-Elysées) entre 1875 et 1899, essentiellement des peintures sur porcelaine et des miniatures, mais également quelques huiles sur toile.
Elle-même dispensait des cours de dessin et peinture dans son atelier, situé en 1886 au 26 rue de la Trémoille à Paris.
A l’occasion de sa première participation au Salon en 1875, elle présente trois répliques sur porcelaine de tableaux de son maître: Haydée (exposé par Chaplin au Salon de 1873), Jeune fille (probablement l’oeuvre exposée en 1870), et notre La lyre brisée, dont Chaplin expose sa version originale à ce même Salon de 1875. Ce dernier tableau connaît un succès considérable, et le critique de la revue d’art « Paris à l’eau-forte » le décrit alors comme « condamné à la gravure, à la lithographie, à la photographie, et à la reproduction forcée à perpétuité » .

Chaplin est un admirateur de Boucher et de Fragonard. Né aux Andelys, d’une mère havraise et d’un père anglais, élève de Drolling, il commence sa carrière avec des paysages et quelques portraits classiques, avant de trouver sa voie dans la peinture décorative à la toute fin des années 1850. Allégories, petits génies, jeunes filles plus ou moins dénudées dans des atmosphères vaporeuses constituent alors l’essentiel de ses sujets. Ses modèles sont tout aussi séduisants mais cependant moins sensuels que chez ses aînés du XVIIIème siècle, avec une nudité toujours décente; son dessin est précis et libre à la fois, et il émane de ses compositions grâce, jeunesse et élégance.
Chaplin décore plusieurs palais: les Tuileries, l’Elysée, ainsi que des hôtels particuliers à Paris, Bruxelles, La Haye ou New-York. Il a parmi sa clientèle l’impératrice Eugénie, le prince Demidoff, et le Tsar lui achètera un tableau au Salon de 1889.

Notre oeuvre témoigne de la rémanence sous la troisième République de la politique des répliques sur porcelaine instituée par Alexandre Brongniart à la manufacture de Sèvres au début du XIXème siècle, afin de conserver une trace inaltérable de la beauté des chefs d’oeuvre de la peinture ancienne ou contemporaine. Mais ce qui est particulièrement étonnant ici, c’est que l’oeuvre originale et sa réplique sont exposés au Salon la même année.
Le Figaro du 24 mai 1875, pourtant peu tendre avec la section Emaux/Porcelaines du Salon, sort ainsi du lot l’oeuvre de Mademoiselle Pierron, « qui a reproduit dans un ton fin et juste, la Lyre brisée de M. Chaplin » . La beauté et le raffinement d’exécution de notre plaque n’échappent pas non plus à Robert Le Minihy de la Villehervé dans sa revue de l’exposition du Havre de 1875: « Chaplin a été copié avec un rare bonheur par Mlle Blanche Pierron, dont les reproductions de La lyre brisée et des Roses de mai ont tout le charme des originaux avec une grâce personnelle accentuée, par surcroît » . Le tableau Roses de mai avait été présenté par Chaplin au Salon de Paris de 1875, quelques semaines avant celui du Havre.