Victor BACHEREAU (1842, Paris – après 1888)
Poltrot de Méré présenté au duc de Guise après son arrestation
Huile sur panneau
40 x 31,5 cm
Signé en bas à droite
Vers 1877
Marque du marchand de couleurs au dos: Calteaux-Bargue , 6 rue des Beaux-Arts (actif à cette adresse entre 1870 et 1877)
Oeuvre en rapport: tableau exposé au Salon de 1878, sous le N°85, titré Derniers moments de François de Lorraine, Duc de Guise, assassiné devant Orléans par Poltrot de Méré (1563), pour lequel notre peinture est préparatoire
Elève du peintre animalier Gustave Deville, d’Ernest Hebert et de Léon Bonnat, Victor Bachereau (il signe avec le nom de Bachereau-Reverchon jusqu’en 1863) n’exposa pas moins de quarante oeuvres au Salon de Paris entre 1863 et 1888. Il avait commencé, sous l’influence de son premier maître, par des sujets animaliers « moraux », illustrant par exemple des fables de La Fontaine; dans la seconde moitié des années 1870, il s’attacha plutôt à des sujets d’histoire (La chambre de la Reine, La galerie des Glaces le lendemain du 19 janvier 1871,…), qui lui permirent de faire reconnaître son réel talent. Mais tout au long de sa carrière, il réalisa des panneaux décoratifs, natures mortes (souvent des armes et attributs guerriers moyenâgeux, objets dont il était lui-même collectionneur) et scènes de genre.
La critique louait sa palette souple, « fondue et brillante, sans trop d’éclat » , le sens de la composition et une facture soignée, et à l’occasion du Salon de 1881, Théodore Veron disait de lui « qu’il a le don d’être un des plus fidèles historiens, avec sa palette et ses pinceaux, traducteurs sincères. «
La scène du tableau du Salon de 1878 se déroule le 24 février 1563 à Saint-Mesmin près d’Orléans, aux prémices des guerres de religion; on y voit François de Lorraine, Duc de Guise, chef de l’armée catholique royale, agonisant sur son lit et recevant son assassin Jean Poltrot de Méré (1537-1563), un gentilhomme protestant convaincu et originaire de l’Angoumois, pour lui accorder son pardon malgré son geste meurtrier.
Le livret du Salon commente le tableau avec le texte suivant : « On le porte sous sa tente ;…il n’y a plus d’espoir. On lui présente le fanatique qui se vante d’avoir servi sa religion en l’assassinant. Le prince lui adresse ces paroles sublimes : « Votre religion vous a porté à me vouloir tuer, la mienne fait que je vous pardonne »
C’est le 18 février que Poltrot avait tiré sur François de Lorraine, et c’est le 18 mars qu’il sera supplicié (par écartèlement) en place de Grève. Lors de son interrogatoire, Poltrot désigne l’amiral de Coligny comme commanditaire de l’assassinat; ce dernier nie et sera finalement mis hors de cause en 1566, mais pas aux yeux des Guise, qui n’auront cesse de se venger du chef des Huguenots.
Notre peinture est une étude pour la partie la plus emblématique du tableau représentant Poltrot de Méré amené par un soldat devant sa victime agonisante. Le caractère préparatoire de l’oeuvre apparaît dans quelques différences avec le tableau final. Le soldat porte ainsi des bas dans l’étude, alors qu’il sera finalement chaussé de bottes à revers; de même, son morion est plus relevé dans le tableau du Salon, laissant davantage apparaître son visage et sa physionomie réprobatrice; une autre différence réside dans la jambe gauche du soldat, quelque peu masquée par le corps de Poltrot dans la version définitive.
Le peintre restitue particulièrement bien la fierté de l’assassin, torse bombé, droit comme un piquet, morgue hautaine, qui semble n’éprouver aucun regret et n’être nullement impressionné par le châtiment mortel qui l’attendra.