Antonin MOINE

Clair de lune sur un paysage oriental aux architectures


Antonin MOINE (1796, Saint-Etienne – 1849, Paris)
Clair de lune sur un paysage oriental aux architectures
Pastel
38 x 55 cm
Signé deux fois en bas à droite
Provenance: probablement le N°74 de la vente après décès de l’artiste, titré Paysage, effet de clair de lune.


Antonin Moine fut un artiste assez emblématique du mouvement romantique, resté célèbre surtout pour ses sculptures, mais qui peignit tout au long de sa carrière.
Fils d’un négociant en rubans établi rue Neuve à Saint-Etienne, entouré de 9 frères et sœurs, il mena des études sérieuses au collège de la ville, où on le surnommait déjà « le Poussin » dans la classe de dessin. Après quelques années consacrées à la médecine et une possible participation à la bataille de Waterloo, il fit son entrée à l’Ecole des Beaux-Arts en septembre 1817, sous la protection de Girodet. Selon toute vraisemblance, il aurait également fréquenté l’atelier de Gros et été ainsi confronté aux débuts du romantisme. Au cours des années 1820, il peint, surtout des paysages, et produit de nombreuses lithographies à sujets religieux ou de portraits.
Les éléments biographiques manquent pour en expliquer le cheminement, mais Moine se spécialise dans la sculpture vers 1829/1830, peut-être sous l’influence de son ami le sculpteur Barye, qui avait aussi suivi les cours de Gros. Il expose pour la première fois au salon de 1831 en tant que sculpteur (mais il y exposa aussi deux peintures, des vues de Montmorency): ses œuvres y furent particulièrement remarquées et connurent un grand succès auprès de la critique, avec une médaille de deuxième classe, et des achats de l’Etat. En 1837, Théophile Gautier l’associe à Barye et le juge même supérieur à lui, et aux autres (« une supériorité incontestable sur les sculpteurs de la nouvelle école » , « Monsieur Moine est un des artistes dont notre siècle doit le plus s’enorgueillir » ). Mais malgré une popularité certaine, quelques commandes officielles, et un talent reconnu, Moine commença à souffrir d’injustices qui le privaient de travail et de commandes. Ses statuettes et médaillons étaient admirés mais se vendaient mal.
A partir de 1837, découragé, il n’expose plus au Salon, et n’y fait son retour qu’en 1843, avec uniquement des pastels, afin de se (re?)faire une réputation de peintre et avoir une activité plus lucrative. Il y présente 3 œuvres, des portraits. Depuis Vigée-Lebrun et Prud’hon, le pastel était démodé, un abandon qui correspondait aussi au rejet des romantiques pour le XVIIIème siècle. A part quelques esquisses de Delacroix ou compositions de Decamps, le genre n’existait plus, et c’est Antonin Moine qui en tenta une véritable résurrection. Cette technique nuancée correspondait d’ailleurs bien à sa manière délicate. Mais déjà en 1837, Théophile Gautier écrivait: « le public ne connaît que ses œuvres de sculpteur, et cependant ses travaux en peinture, ses pastels et ses dessins révèlent dans leur auteur un des élèves les plus distingués qui soient sortis de l’atelier de Gros » . Plus précocement encore, Hilaire-Léon Sazerac écrit en 1834: « Ses pastels sont des merveilles d’art et de nature; sous ses doigts le pastel devient aussi transparent, aussi vigoureux que la peinture à l’huile. Il obtient du pastel des demi-teintes, des teintes neutres, qui répandent sur ses ouvrages la plus suave harmonie.  »
Moine continue à exposer ses pastels aux salons de 1844, 1845, 1846 et 1848.

Selon Jean-Loup Champion, spécialiste de l’artiste, les dimensions de notre pastel et sa qualité donnent à penser qu’il s’agit d’une œuvre importante pour Moine, et qui aurait pu être exposée au Salon; deux œuvres pourraient correspondre, exposées au Salon de 1845 et décrites au livret comme Fantaisie (N°1941 et N°1942). Mais s’agissait-il de fantaisies architecturales ressemblant à un décor de théâtre ou bien de fantaisies du type « fête galante » du XVIIIème siècle? Plus vraisemblablement, notre dessin pourrait être le N°74 du catalogue de sa vente après décès (où l’on compte environ 80 pastels), titré Paysage, effet de clair de lune. La thématique de l’Orient semble assez inhabituelle chez Moine (on note toutefois deux tableaux orientalistes dans le catalogue après décès, Cavalier arabe monté sur son cheval et Mauresque dans son appartement), et même si une datation de ce pastel est hasardeuse, on pourrait envisager que l’œuvre ait été réalisée dans les années 1820 (la période « peinture »), avec par exemple une influence de Girodet (ambiance onirique, travail sur la lumière), et aussi de Cassas (pour le côté oriental, la composition et les personnages). Comme le dit Jean-Loup Champion, il s’agit ici « d’un paysage d’un Orient rêvé, mais tous les paysages d’Antonin Moine semblent imaginaires » .

Artiste romantique, incompris et désespéré malgré l’obtention de la Légion d’Honneur en 1847, Antonin Moine se suicide le 18 mars 1849 à Paris d’une balle de pistolet dans la tête (l’événement sera relaté par Victor Hugo). Sa mort serait la conséquence, pour certains, de la misère et de l’absence de commande ou, pour d’autres, de tendances mélancoliques et suicidaires. Sa ville natale a donné son nom à une place.