Alfred de CURZON

Les bords du Clain à Poitiers

La tour de la Poudrière, bords du Clain

Alfred de CURZON (1820, Moulinet – 1895, Paris)
Les bords du Clain à Poitiers
Pastel
30 x 40 cm
Signé en bas à gauche
1887
Exposition: Salon des Beaux-Arts de Paris de 1888, sous le N° 2857


Originaire des environs de Poitiers, Alfred de Curzon, après s’être un temps destiné à Polytechnique, entre en 1840 à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts pour y étudier dans l’atelier de Michel-Martin Drölling, puis du paysagiste Louis Cabat à partir de 1845, tout en exposant au Salon (avec une première participation en 1843). Il effectue un premier voyage en Italie d’octobre 1846 à octobre 1847. Après quatre années passées à la villa Medicis à Rome entre 1850 et 1854, pendant lesquelles il effectue aussi un important séjour en Grèce en mars/juillet 1852 (les pensionnaire romains sont autorisés à le faire depuis 1845), il obtient ses premières médailles au Salon (1857). Il peint alors énormément de paysages italiens (Rome, Naples) ou de Grèce (il est un des premiers artistes à traiter largement ce thème), qui ne sont pas sans rappeler ceux d’Achille Benouville et s’inscrivent dans la tradition du paysage historique.
S’imposant comme un des meilleurs peintres du Second Empire, ses oeuvres sont achetées par l’Etat, et même par Napoléon III pour sa collection personnelle (comme Ecco fiori, souvenir des bouquetières de Naples, en 1861, acquis au Salon pour 10 000 francs). Il est très apprécié du pourtant peu indulgent Théophile Gautier qui dit de lui « M. de Curzon dessine les monuments comme un architecte et les adore comme un peintre » .
Entre 1870 et 1873, il séjourne en Méditerranée dans la région de la Seyne sur Mer, en raison de la santé précaire de sa femme.
Aujourd’hui peu connu du grand public, Alfred de Curzon est cependant présent dans de nombreux musées français, et notamment à Orsay et au musée Sainte-Croix à Poitiers, qui lui consacra une importante exposition en 1982 (16 juin – 20 septembre).

Même s’il a pratiqué le pastel dans sa jeunesse à la fin des années 1830, Curzon abandonne ensuite cette technique durant quasiment toute sa carrière. Ce n’est qu’en 1887/88 qu’il réexpérimente le pastel; dans une lettre à son fidèle ami le peintre Georges Brillouin (1817-1893) datée du 16 août 1887, il déclare s’être mis « à faire du pastel et à trouver le procédé agréable » , tout en regrettant sa fragilité, ce qui le fera assez rapidement renoncer à produire ce type de dessins. Dans une autre lettre datée du 11 septembre, il indique s’être redocumenté sur la technique et avoir été observer les pastels XVIIIème du Louvre. Enfin, dans une lettre au même Brillouin datée du 15 mars 1888, il précise, en mentionnant notre pastel, qu’il vient d’envoyer ses oeuvres au Salon: deux peintures (Dans la Forêt Noire près de Badonviller, et Au sommet des Appenins) et un second pastel (Portrait de Graziella) sous le N° 2856.
Les dates de ces lettres, ainsi que les feuillages encore abondants et présentant un début de teintes automnales, permettent de situer la période de réalisation de notre oeuvre vers fin août/début octobre 1887.

Ce sujet poitevin, il est vrai assez peu fréquent, est loin d’être inédit chez l’artiste. Curzon exposa entre autres au Salon deux peintures représentant les bords de la rivière Clain à Poitiers: en 1846 (N°447) et en 1869 (N°593).
La vue se situe ici au niveau des ruines de l’ancien château dont on reconnaît une tour, et que Curzon traite en effet de soir au soleil couchant. Le pastel lui permet de créer un ciel vaporeux et rosé, qui s’oppose en douceur aux tons foncés de la végétation.
Le pont du fond est le pont de Rochereuil (la forme des arches est étonnamment plus arrondie sur le pastel qu’en réalité; peut-être ont-elles été refaites à la fin du XIXème ou au début du XXème siècle, ou alors est-ce une interprétation de l’artiste).
La tour sur la droite existe toujours, située dans le square de la petite Villette; il semble qu’elle était une des trois tours d’angle de l’ancien château édifié par Philippe-Auguste au début du XIIIème siècle et reconstruit par Jean de Berry à la fin du XIVème; sa dénomination n’est pas très claire, tantôt décrite comme tour de la Villette, tantôt comme tour de la Poudrière, sachant qu’une autre tour, dite du Cordier, est elle aussi parfois appelée tour de la Poudrière…
L’artiste semble s’être posté près du confluent du Clain et de la Boivre, au niveau du pont de l’Intendant Le Nain, possiblement dénommé pont Saint-Lazare dans le passé, à quelques mètres de l’actuelle porte de Paris.