




Alessandro LONGHI (Venise, 1733 – Venise, 1813)
Portrait de Gasparo Gozzi
Huile sur toile
63 x 48 cm
Vers 1760 ou 1780
Nous présentons ici un inédit et rare portrait de Gasparo Gozzi (Venise, 1713 – Padoue, 1786). Un peu moins connu que son frère Carlo Gozzi (1720-1806), l’auteur de pièces de théâtre et rival de Carlo Goldoni, Gasparo fut néanmoins un acteur important de la vie intellectuelle à Venise dans les années 1750-1780.
Traducteur et producteur de pièces de théâtre avec sa femme la poétesse Luisa Bergalli (1703-1779), cet aristocrate désargenté se lança également dans des entreprises journalistiques au début des années 1760, en créant La Gazzetta Veneta, une chronique de la société vénitienne sur le modèle du quotidien anglais The Spectator, ou encore L’Osservatore Veneto, critique de l’actualité culturelle. Il occupa ensuite plusieurs postes à l’Université de Padoue et produisit des rapports sur l’art de la gravure à Venise.
Le peintre Alessandro Longhi, fils de Pietro Longhi (1701-1785), qui lui donna ses premières leçons, commença sa carrière par des oeuvres religieuses, mais se dirigea rapidement vers le portrait.
Notre tableau s’inscrit probablement dans la publication qu’Alessandro fit en 1762, sur la commande d’un artiste inconnu, d’une sorte de dictionnaire des artistes vénitiens contemporains, avec leurs portraits gravés et une courte biographie. Longhi précisait qu’il les avait d’abord réalisés sur toile, puis gravés sur cuivre. Tous ces portraits peints le sont à mi-buste, de dimensions similaires, de format ovale dans un encadrement rococo en trompe-l’oeil, avec le nom du modèle écrit en partie basse.
On connaît aujourd’hui les portraits de Gaspare Diziani (fondation Federico Zeri à Bologne), Francesco Zugno, Francesco Fontebasso (Palazzo Reale de Turin), Giuseppe Zaïs, Tiepolo, Piazzetta ou Maggiotto.
Il semble que Longhi reproduisit la même typologie de portraits pour une commande (avec notamment un portrait du Titien) que lui confia l’Académie des Beaux-Arts de Venise en 1781.
En revanche, notre portrait, et un autre de Goldoni (conservé à la Maison de Carlo Goldoni), prouvent que Longhi ne réserva pas ce type d’effigie uniquement à des peintres, mais plus généralement à des personnalités culturelles de Venise.
On y retrouve l’influence du vénitien Giuseppe Nogari (1699-1763), dont Longhi fut l’élève, avec une certaine « rusticité » , un fond sombre et un cadrage relativement serré. Ils correspondent bien à l’idéal de portrait de Longhi : un modèle pris dans l’authenticité de sa personnalité, sans artifices embellisseurs comme des perruques trop poudrées ou des vêtements précieux ou officiels. Intéressé par la nature humaine, Longhi représenta uniquement des vénitiens, souvent des amis, excluant les visiteurs ou touristes qu’il ne pouvait connaître intimement. Il ne semble pas avoir travaillé ailleurs qu’à Venise.
Michael Levey (1994, Painting in Eighteenth -Century Venice, p.186) souligne que, sans être un extraordinaire dessinateur, Alessandro savait appliquer la peinture, privilégiant une matière épaisse et crémeuse, dans des tons foncés, riches et opulents.
Gasparo Gozzi était un proche des Longhi père et fils ; il pensait que le talent de Pietro Longhi pouvait tout à fait se comparer à celui d’un Giambattista Tiepolo, et il appréciait les formes de réalité et d’authenticité qu’il trouvait dans les oeuvres de Pietro et d’Alessandro ; dans La Gazetta Veneta, Gozzi loua ainsi le talent et la réalité qu’Alessandro exprimait dans son portrait de 1760, L’aubergiste.
L’inscription en latin au bas du portrait, « Comes Gasparus Gozzi » peut se comprendre de deux façons, « comes » signifiant en latin « ami », ou bien « comte », sachant que Gozzi était effectivement ami avec Longhi, mais qu’il était également Comte.