Adrien MANGLARD

Port méditerranéen avec marins déchargeant un bateau à quai

Tableau de la vente Sotheby's 14/10/1999
Dessin du Louvre
Autre dessin du Louvre

Adrien MANGLARD (1695, Lyon – 1760, Rome)
Port méditerranéen avec marins déchargeant un bateau à quai
Pierre noire et lavis d’encre grise
23,5 x 41 cm
Provenance : ancienne collection Louis Deglatigny, cachet en bas à gauche (Lugt 1768a).
Sa vente les 14/15 juin 1937 (3ème vente de la collection), Drouot Salle 1, Commissaire-Priseur Etienne Ader, Experts Feral/Catroux, Huteau, N°143 du catalogue, titré Port à la tour carrée.


Aujourd’hui surtout connu pour avoir été le précurseur et le maître de Joseph Vernet, Adrien Manglard fut probablement dans la première moitié du XVIIIème siècle le peintre de marine le plus célèbre et le plus recherché à Rome, où il effectua quasiment toute sa carrière.
D’un caractère plutôt lunatique et peu extraverti, il fut aussi un collectionneur passionné   (7 500 dessins furent ainsi inventoriés après sa mort).

Manglard grandit à Lyon dans un milieu artistique, celui des amis de son père (lui-même peintre) comme Daniel Sarrabat et surtout le hollandais Adrien Van der Kabel (son parrain), dont il fréquenta très jeune l’atelier jusqu’à la mort de celui-ci en 1705. Selon Mariette, il devint ensuite élève de Frère Imbert (un peintre lyonnais qui avait suivi l’enseignement de Van der Meulen et de Lebrun) quelque temps avant de partir pour Rome en 1715. Une fois installé dans la ville éternelle, il effectua rapidement plusieurs séjours dans la région de Naples, d’où il ramena de nombreuses études et éléments de décor qu’il utilisera toute sa vie durant dans ses compositions.

Dès le milieu des années 1720, il connut le succès auprès des grandes familles aristocratiques et princières de Rome. Cette célébrité explique que le jeune Joseph Vernet, dès son arrivée à Rome en 1734, souhaita le rencontrer ; d’abord élève, il en devint bientôt son rival. 1734 est aussi pour Manglard l’année où il est agrée par l’Académie royale de peinture, avant d’y être reçu quelques années plus tard, tout comme à l’Académie de Saint-Luc. Ces réceptions consolidèrent son succès, notamment en France, ininterrompu jusqu’à sa mort.
Les marines et les scènes de port constituent l’essentiel de son œuvre, accompagnées de vedute urbaines et quelques scènes paysannes.
Stylistiquement, Manglard est considéré comme une sorte de synthèse entre le classicisme d’un Claude Lorrain et le réalisme des écoles du Nord. En fait il semble davantage ancré dans le XVIIème siècle plutôt que dans le sien, que ce soit dans ses peintures ou ses dessins ; tout en ayant été son inspirateur et son mentor, il est ainsi assez éloigné de Vernet : son trait, sauf pour la représentation des navires et embarcations (dont le réalisme s’apparente par exemple à celui du hollandais Abraham Storck, 1635-1710), est beaucoup moins précis et plus lourd, sa touche la plupart du temps moins précise ; l’ambiance de ses marines privilégie davantage les effets atmosphériques, au détriment des personnages et notamment de leurs détails vestimentaires. Ceux-ci ne sont d’ailleurs pas son point fort, bien qu’il ait été un figuriste recherché par ses confrères ; ils ressemblent souvent à des petits mannequins un peu raides et figés, cette simplification ayant tendance à s’accentuer au cours de sa carrière.

Toutefois il émane de ses compositions une réelle sérénité ; même ses scènes de port les plus animées s’apparentent à un monde immobile et intemporel.
C’est cette ambiance apaisante que nous retrouvons dans notre dessin, qui est préparatoire au tableau passé en vente chez Sotheby’s (14/10/1999, New-York, N°77, 74×134 cm, huile sur toile), à la composition identique. Cette même composition se retrouve dans un autre tableau (d’une paire), assez justement décrit comme seulement entourage de Manglard, passé en vente chez Sotheby’s (25/04/2006, Londres, N°405, 70,5 x 136,5 cm, huile sur toile). Du point de vue de la technique, l’utilisation de la pierre noire rehaussée d’encre et de lavis donne une certaine douceur à l’ensemble ; cette même technique se retrouve dans deux dessins de l’ancienne collection Mariette (probablement acquis par celui-ci à la vente après décès de Manglard) conservés au musée du Louvre, aux compositions et aux dimensions similaires (Inv 30873 et Inv 30874).

Louis Deglatigny (1854-1936) était un homme d’affaires et négociant en bois établi à Rouen, qui consacrait ses loisirs à l’archéologie et aux Beaux-Arts ; à ce titre il participa activement à la vie des sociétés savantes et des musées de Rouen. Sa belle collection de dessins anciens (jusqu’à la fin du XVIIIème siècle) comportait près de 1000 pièces dont de nombreux Hubert Robert ; elle fut dispersée par Maître Ader en plusieurs ventes publiques en 1937 (entre mai et novembre) à la Galerie Charpentier. Notre dessin y fut acquis à cette occasion.